L’étudiant Zéphyrin Niyonsaba arrêté par la police lors de sa perquisition au campus Mutanga affirme que les armes saisies dans sa chambre étaient destinées au mouvement Fronabu-Tabara opérant, selon lui, depuis la République Démocratique du Congo. Mais force est de constater que la source d’approvisionnement des groupes armés burundais est le Congo, et non le Burundi.
<doc1704|left>Rappel des faits
Un étudiant est mort après avoir été frappé, en pleine poitrine, par une grenade lacrymogène; un autre a été arrêté, tandis que plusieurs autres ont été blessés au cours d’une fouille perquisition au campus universitaire de Mutanga à Bujumbura… La police indique avoir trouvé dans la chambre de cet étudiant arrêté 4 grenades, 7 chargeurs, 3 bottines militaires, 3 tenues policières, un imperméable militaire et … des documents du MSD et du FNL.
Le campus Mutanga était ceinturé par la police depuis minuit, mais les éléments de la police visaient le quartier communément appelé ’’Tropicana I’’ : objectif, la chambre 372 de l’étudiant Zéphyrin Niyonsaba, chez qui ces armes et ces documents ont été trouvés. Ce dernier a été arrêté sans opposer une quelconque résistance malgré les appels incessants de ses camarades l’invitant à fuir. « C’était un secret de polichinelle, tout le monde savait que c’est lui que les policiers recherchaient », a lancé un étudiant du même bloc Tropicana I. Selon des sources sur place, il a été membre du MSD d’Alexis Sinduhije, aujourd’hui en exil. Mais d’autres sources au campus même le soupçonnaient d’être un informateur du Service National de Renseignement.
Des tirs ont été entendus très tôt le matin, des sources au campus parlent de trois étudiants morts et d’une dizaine de blessés. Selon Pierre Channel Ntarabaganyi, porte-parole du ministère de la Sécurité publique, il n’y a pas eu de blessés par balle, les coups de feu entendus n’étaient que des tirs de sommation, en l’air et de gaz lacrymogène. Les étudiants pris de panique qui voulaient s’enfuir étaient vite repoussés et obligés de retourner dans leur home.
Des sources policières contactées indiquent que la tâche n’était pas facile, les étudiants réveillés par des bruits inhabituels voulaient à tout prix des explications sur la présence de ces policiers et la raison de leur incursion au campus.
Ils ont tenté d’empêcher la police d’accomplir sa mission et il y a eu des tirs de sommation. « Les étudiants ne se sont pas exécutés et la police a dû faire usage de gaz lacrymogène pour disperser ces étudiants. C’était la panique générale, il y a eu des bousculades et malheureusement un étudiant est mort par asphyxie », a-t-il déploré. Ces étudiants ont même désarmé un policier, il a fallu négocier avec ces étudiants en colère et l’arme, un pistolet, a été remise à son propriétaire.
L’étudiant se constitue prisonnier
Finalement, la police a pu pénétrer dans la chambre suspectée. L’étudiant en question n’a pas nié les faits ou l’évidence. Selon lui, ce n’est pas la première fois qu’’il se retrouve en possession d’armes à livrer au FRONABU- Tabara, un mouvement rebelle en gestation.
« C’est un combattant qui a laissé ces armes ici. Car ici, je dirais, c’est un lieu de transit. Ces armes allaient transiter ver le Congo (NDLR : RDC) », explique cet étudiant en deuxième année de géographie.
Les forces de l’ordre qui avaient un mandat de perquisition ont dû attendre 6 h du matin comme le stipule la loi pour entrer dans chambre 372.
Le Recteur de l’Université du Burundi, Gaston Hakiza qui était sur place dès 7h s’est dit " choqué " par les armes trouvées dans les enceintes de l’établissement : " Normalement, on devrait trouver dans la chambre des étudiants des syllabus ! ", a-t-il réagi devant la presse.
L’arsenal de Zéphyrin Niyonsaba, une version sujette à caution
Lorsqu’’ils pénètrent dans le quartier Tropicana I du campus de Mutanga, les policiers se dirigent vers la chambre 372 de l’étudiant Niyonsaba. Ce dernier, loin d’être inquiet, les attend plutôt de pied avec sérénité, à bras les bras ouverts. « Même les handicapés avaient eu le temps de quitter leurs chambres ; mais lui a refusé de fuir », racontent avec étonnement plusieurs étudiants. Bien plus, à la vue des policiers M. Niyonsaba est plutôt accueillant, tout sourire. Étrange pour quelqu’un qui cache des armes et sur le point d’être arrêté ! Mieux : aux policiers il fait signe des mains, comme pour leur dire que c’est bien moi. Tout ceci est visible sur les images vidéo prises au cours de la perquisition. Pour quelqu’un qui fait partie de la cinquième colonne, comme on dit, son comportement est loin d’être caractérisé par cette tension psychologique qui normalement précède toute arrestation.
L’incroyable aveu de Zéphyrin Niyonsaba
La comédie de l’étudiant ne s’arrêtera pas. Voilà que tout le plus simplement du monde, sans aucun tremolo dans la voix, Zéphyrin Niyonsaba déclare être lui-même un combattant du FRONABU-TABARA. Et ce n’est pas tout. Il a soif de donner des précisions car, indique-t-il, ce n’est pas la première fois qu’il cache des armes pour ce mouvement… avant leur envoi en République Démocratique du Congo. Comme s’il voulait aggraver son délit. Et pour cause.
En admettant que des armes ont été acheminées au Congo, cela signifie que toutes ces personnes tuées depuis la résurgence de la violence, dès la fin du processus électoral, l’ont été avec des fusils et autres grenades envoyées par cet étudiant. Cela revient ainsi à dire qu’il aura à répondre de ces crimes un jour ; si bien que pareille déclaration est pour le moins insolite. A moins que Zéphyirin Niyonsaba ait décidé lui-même de devenir l’informateur de la police contre lui-même !
Les Burundais s’approvisionnent au Congo
Par ailleurs, selon plusieurs spécialistes de la géopolitique des Grands Lacs, le mouvement de circulation des armes dans la région est loin d’être celui insinué par l’étudiant qui se présente comme le transitaire des armes du Fronabu-Tabara. « Le Congo est certes connu pour être une plaque tournante et une bonne source d’approvisionnement en armes pour plusieurs groupes armés de la région. Et c’est aussi un bon débouché pour les marchands d’armes », explique une source très au fait de la situation en RDC.
En clair, Fronabu-Tabara il y a, il s’approvisionne au Congo et non au Burundi. Bien plus, le trafic des armes est plus facile à surveiller au Burundi que de l’autre côté du lac Tanganyika, dans le Kivu, une région difficile à contrôler, et où malgré la présence de la Monusco, l’insécurité prévaut toujours. Le Conseil parle de « la difficulté d’assurer durablement la stabilité au Burundi si la paix n’était pas rétablie au-delà de ses frontières, en particulier en République Démocratique du Congo. »
Quid des complices de Zéphyrin Niyonsaba
Après les déclarations de Zéphyrin Niyonsaba et la vacuité qui les caractérise, les analystes se perdent en conjectures. Car, au regard des éléments évoqués ci-haut, la version de Zéphyrin apparaît comme un mensonge cousu de fil blanc. Et de fil en aiguille l’on peut se demander ce que viserait ce montage. Car montage il y a, même l’on en connaît pas encore clairement les auteurs.
Soit Zéphyrin Niyonsaba, (ancien) membre du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie(MSD) connaît d’autres partisans de cette formation dirigée par Alexis Sinduhije qui ont des accointances avec le Fronabu-Tabara et voudraient les faire arrêter. Soit, il viserait aussi certains membres du MSD, membre de la coalition ADC-Ikibi, surtout que cette plate-forme de l’opposition est réputée être tout sauf un ami du pouvoir Cndd-Fdd. Qu’il suffise de se rappeler la version du Service National de Renseignement(SNR), selon laquelle le massacre de Gatumba, le 18 septembre dernier, est le fait d’Agathon Rwasa et ses hommes avec la complicité de l’ADC-Ikibiri et de la société civile.
Or, sachant que, selon la version du SNR, les auteurs du massacre de Gatumba sont venus du Congo où sont basés les combattants du Fronabu-Tabara, d’après Zéphyrin Niyonsaba. Et de là à une connivence entre cette rébellion et celle d’obédience Rwasa, il n’y qu’un pas que le locataire de la chambre 372 du homme Tropicana I du campus universitaire de Mutanga pourrait ne pas hésiter à franchir.
[Et c’est aussi la crainte de certains.->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1165]
<doc1701|left>Étudiant ou taupe des services de renseignement dans le campus ?
Le parcours de cet étudiant qui ne se présentait à la fac que pour passer les examens intrigue. Zéphyrin Nzoyisaba était entré à l’université du Burundi, à la faculté des lettres et sciences humaines, département de Géographie en 2007 et, en octobre 2011, il était encore en deuxième candidature…
L’État n’aimant pas les « éternels » étudiants, il avait, bien entendu, perdu sa bourse d’études. Dans le jargon universitaire il était ce que l’on appelle un « sinistré ».
Né dans la zone Kabuye de la commune Kayanza en province Kayanza, Zéphyrin Niyonsaba a fait son cycle secondaire au lycée Busiga dans la province Ngozi. Mais il avait échoué à l’examen d’État et avait dû refaire l’année au Lycée de Gatara, à Kayanza.
Selon des témoignages recueillis au campus Mutanga, c’est un étudiant solitaire qui ne se présentait pas aux cours sauf lors des examens. Et, apparemment, la réussite n’était pas au rendez-vous, au vu de son palmarès. Ces mêmes sources affirment qu’il ne passait pas beaucoup de temps dans la chambre qu’il partageait avec un colocataire avec qui il n’entretenait pas de lien amical.
La veille de son arrestation, il serait rentré tard et n’a pas accepté la proposition de son colocataire d’aller au restaurant. « Il n’était pas tranquille comme à son habitude. Nous pensons qu’il a fait entrer les grenades et les chargeurs la veille de son arrestation », confient les étudiants.
Certaines sources à l’Université indiquent qu’avant les élections, Zéphyrin était membre du parti MSD, mais vers la fin du processus électoral, il aurait été approché par les services de renseignement et aurait même fait arrêter des gens à Ngozi.
Tout en ne réfutant pas l’appartenance de Zéphyrin au MSD, Nathan Ndayongeje, porte-parole a.i de ce parti, appelle à la prudence. Pour lui, il faut faire la différence entre être sympathisant et adhérant d’un parti: « Nous sommes en train de mener nos propres enquêtes car pour adhérer au MSD, le règlement du parti, dans ses articles 4 et 5, stipule que chaque candidat à l’adhésion passe par un comité collinaire. » Or, d’après M. Ndayongeje, il n’y a aucune ne trace de son nom sur la liste des membres du parti dans la zone Kabuye.
Toutefois, il souligne que cet individu aurait été aperçu dans la commune urbaine de Nyakabiga lors d’un meeting de leur parti, pendant la campagne électorale de 2010. Mais d’après lui, personne n’a su ce qu’il cherchait. Le porte-parole du MSD trouve inquiétant que la police ait appréhendé celui qui se présente comme un major du Fronabu Tabara avec des documents dont un procès-verbal d’une réunion des membres du parti MSD qui se serait tenue dans la province de Rutana. « Pourquoi un membre du parti à Kayanza serait allé dans une réunion du MSD à Rutana si ce n’est pas un congrès ? »