Cohabitation politique à l’approche des législatives de 2025 ; développement socio-économique ; contribution des natifs dans le développement, … Théophile Nibizi, administrateur de la commune Gashikanwa, s’exprime sur tous ces aspects. Il révèle aussi le rêve qu’il a pour sa circonscription.
A l’approche des élections ou pendant la période électorale, des cas d’intolérance politique sont souvent signalés dans le pays. Comment est la cohabitation politique dans votre commune pour le moment ?
Elle est bonne. Il n’y a vraiment pas de cas d’intolérance politique à signaler. L’espace politique est ouvert. Il n’y a par ailleurs pas beaucoup de partis politiques présents sur le terrain dans notre commune. Nous avons seulement les partis CNDD-FDD, CNL, Frodebu et Uprona.
Dans beaucoup de cas, l’intolérance implique surtout les jeunes. Quel est votre message en leur endroit ?
Notre message à l’endroit des jeunes en particulier et de la population en général est celui-ci : la période électorale est vraiment un moment comme les autres dans leur vie. Il ne faut pas se laisser distraire par certains politiciens.
Il faut d’abord poursuivre les œuvres de développement. Nous remercions d’ailleurs nos jeunes. Ils ont déjà compris que leur avenir se trouve dans le travail, dans leur unité. Qu’ils continuent sur cette voie et à travailler dans des coopératives, à élaborer des projets etc.
De notre côté, nous leur promettons de les accompagner, de leur accorder notre sous-couvert chaque fois que de besoin sans considération d’appartenance politique.
Bref, actuellement, à Gashikanwa, la situation est calme. Oui. Nous n’empêchons personne à adhérer dans un parti politique de son choix mais que les gens sachent que seul le travail est source de développement et non les partis politiques. Donc, il n’y a aucune raison de s’entredéchirer. Développons seulement le pays !
Que faites-vous pour pérenniser cette cohésion ?
Là, c’est notre objectif. Et c’est via le sport qu’on rassemble les gens malgré leurs différences. Chaque année, nous organisons une compétition sportive dans le cadre de la bonne cohabitation.
Comment ?
Toutes les collines y participent. Ladite compétition s’étend sur une longue période. Ce sont les natifs des différentes collines qui financent, contribuent. Les uns donnent des habits, d’autres des ballons, d’autres encore de l’argent ainsi que bien d’autres appuis. Ce qui motive les natifs et partant les rassemble.
La finale se tient au chef-lieu communal. C’est une grande fête des natifs, des amis de la commune. La première équipe rentre avec une vache. Elle est achetée avec de l’argent tiré des contributions des natifs. D’autres prix sont aussi accordés.
A cette occasion, les vulnérables reçoivent une aide alimentaire. Aujourd’hui, ce travail est dans les mains des natifs. La commune n’est là que pour organiser et coordonner. Par exemple, l’année passée, la compétition a coûté autour de 6 millions de BIF et la commune n’a déboursé aucun rond.
Qu’est- ce qui fait vivre votre population ?
D’abord, notre population avoisine 78 mille. Beaucoup d’entre les habitants de Gashikanwa, comme c’est le cas dans tout le pays, ont moins de 40 ans ou 45 ans. Une population donc encore active.
Elle vit alors des activités agro-pastorales. Les gens pratiquent plusieurs cultures vivrières. Mais, aujourd’hui, le maïs est très dominant dans les champs. Par rapport à la production de l’année précédente, nous nous attendons à une augmentation de plus de 10%.
Heureusement, le gouvernement a déjà fixé le prix d’1 kg de maïs à 1 700BIF. Nous ne doutons pas que nos agriculteurs sont contents et vont écouler leur production.
La commune Gashikanywa dispose des marais rizicoles, principalement Nyakijima et Nyamuswaga. En tout, ils s’étendent sur environ cinq cents hectares.
Néanmoins, des riziculteurs disent que leurs champs ont été abîmés. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
En réalité, les inondations dues aux fortes pluies n’ont pas épargné notre commune. Il y a une petite partie de ces marais rizicoles qui a été inondée. Les champs ont été détruits. Mais, nous espérons que la récolte ne va pas beaucoup chuter.
Pourquoi ?
Car, plus de 95 % des riziculteurs ont pu récolter. Seulement, il y a un marais qui avait été aménagé mais le barrage de Nyakijima destiné à irriguer plus de trois cents hectares a été abîmé.
Ce qui sous-entend que les conséquences ne vont pas manquer sur la production. Nous avons soumis la question à qui de droit, nous attendons la réponse. Nous avons entendu que le ministère en charge des infrastructures et celui en charge de l’environnement sont en train de statuer sur le cas afin d’éviter que les riziculteurs enregistrent de grandes pertes.
Quid de l’élevage ?
Dans notre commune, l’élevage existe. On élève du gros bétail et du petit bétail. Et c’est d’ailleurs dans notre commune où on trouve le grand marché de bétail dans notre pays, à savoir celui de Vyerwa. Il est très connu au niveau national. Le marché procure plus de 70% des recettes communales.
Le Burundi a connu il y a quelques temps une épidémie de la fièvre de la vallée du rift et les marchés du bétail ont été fermés durant une certaine période. Quelles ont été les conséquences sur la caisse communale ?
Il faut d’abord noter que ce marché nous donne en moyenne 20 millions de BIF par mois. Ce qui signifie que si nous avons passé 5 mois sans travailler, nous avons perdu plus de 100 millions de BIF.
Il faut ajouter à la perte des taxes liées à l’activité pastorale, les vaches qui sont mortes ainsi que d’autres pertes connexes. Ce qui a un impact négatif sur les projets de la commune.
Cette épidémie nous a en peu freiné en ce qui est du développement de la commune. Il y a des projets que nous aurions déjà terminés mais qui restent en cours d’exécution.
Avec la réouverture des marchés du bétail, les activités ont repris. On ne doute pas que nous allons rapidement nous rattraper.
Quid de l’élevage des lapins comme le recommande le président de la République ?
Pour l’élevage des lapins, nous avons commencé la pratique à travers les coopératives Sangwe car les gens y sont déjà organisés et ont des moyens financiers. Dans un premier temps, on a commencé avec 2 400 lapins. Nous sommes sûrs que les effectifs iront crescendo.
Dans beaucoup de collines de votre commune, on signale un problème de manque d’eau potable. Comment se présente au juste la situation ?
L’eau potable est un sérieux problème dans notre commune. Elle est vraiment insuffisante. Nous n’avons que trois réseaux opérationnels. Seulement, 8 collines sur 24 ont de l’eau potable. Une étude a montré que nous avons besoin de 1,5 milliards de BIF pour résoudre ce problème.
Nous sommes en train de la réactualiser. Une fois les recommandations de l’étude mises en exécution, nous pourrons avoir plus de 65% d’eau potable sur la quantité dont on a besoin.
Quelle est la situation des infrastructures médicales dans votre commune ?
La commune Gashikanwa a cinq Centres de santé (CDS). Nous avons aussi un hôpital communal. Globalement, nous pouvons dire que dans ce domaine, il n’y a pas de grands soucis. Mais, il existe une colline avec un relief abrupt. Là, le constat est que la population peine à se faire soigner.
C’est quelle colline ?
C’est la colline Ruhengeri. Mais, nous remercions beaucoup ceux qui ont accepté de nous aider pour que la situation change. Il s’agit notamment du ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le sida via sa Direction provinciale de la Santé.
Nous y avons effectué ensemble une visite de terrain ; nous leur avons montré les défis auxquels fait face la population de cette colline et ils ont validé notre projet d’y installer un CDS.
Grand merci aussi à l’église Pentecôte qui nous a promis de nous aider dans sa construction. Ce qui va beaucoup alléger la situation.
Est-ce que le personnel est suffisant à l’hôpital communal ?
Concernant l’organisation d’un hôpital au vrai sens du terme, en réalité, il reste beaucoup à faire. Les infrastructures et le matériel ne sont pas suffisants. L’hôpital ne dispose pas encore d’ambulance par exemple.
Le personnel n’est pas au complet. Il n’y a qu’un seul docteur qui est en même temps directeur de l’hôpital. Il est par ailleurs venu après qu’un autre soit parti pour tenter la vie ailleurs. Nous avons passé une longue période avec un hôpital sans aucun docteur.
Honnêtement, il y a encore des problèmes dans ce domaine. L’Etat devait avoir une autre orientation pour que les médecins ne partent pas surtout que dans d’autres coins du pays, ils partent aussi.
Pour résoudre le problème des infrastructures, nous avons cherché des espaces pour l’extension de celles qui existent déjà. Nous remercions beaucoup l’Eglise catholique qui a accepté qu’on interchange des terrains à cette fin. Le moment venu pour réaliser le projet, nous n’aurons pas de problème.
Qu’en est-il du secteur de l’éducation ?
Globalement, nous pouvons dire qu’à Gashikanwa, le secteur éducatif se porte bien. Nous sommes en train d’essayer d’augmenter le taux de réussite dans les tests nationaux. L’année passée, nous avons eu la 4e place au niveau provincial sur les neuf communes que compte la province de Ngozi. Toutes les collines ont des écoles sauf deux collines seulement.
Au niveau communal, nous nous sommes fixés l’objectif de construire au moins trois salles de classe, dans le cadre de l’extension des écoles. Ce qui signifie qu’en 4 ans, nous avons déjà 12 nouvelles salles de classe.
Notre commune compte aujourd’hui cinq lycées communaux. Seulement, nous avons un problème d’avoir des candidats pour faire les études universitaires. Un seul établissement parvient à avoir un taux de réussite satisfaisant : le lycée communal Nini. Nous sommes en train de penser à organiser les Etats généraux de l’éducation et échanger avec ces élèves pour savoir les raisons de l’échec à l’examen d’Etat.
Pour réussir, il y a bien sûr la part des enseignants mais il faut que élèves soient aussi impliqués et aient une vision.
Des cas d’abandons sont signalés. En êtes-vous au courant ?
Pour dire vrai, nous avons réalisé qu’au niveau de l’école post-fondamentale, il y a beaucoup d’abandons.
Que faites-vous pour changer la donne ?
Nous avons fait une réunion avec les responsables éducatifs, les parents et les administratifs à la base. Chaque lundi, on produit la liste de tous les enfants qui viennent de passer une semaine sans se présenter à l’école. Ces listes sont envoyées aux chefs collinaires avec des convocations de leurs parents.
Chaque mardi, un de mes conseillers est chargé d’écouter ces parents. Cette pratique a déjà produit des résultats. Certains enfants ont repris l’école.
Les directeurs ont une injonction de connaître les raisons qui poussent tel ou tel autre enfant à abandonner l’école. Ils mènent même des visites dans ces familles.
Certains parents affirment que leurs enfants désertent l’école pour aller au marché de Vyerwa …
Oui. C’est vrai. Au marché du bétail de Vyerwa, il y a des enfants qui abandonnent l’école pour être là. Afin de les décourager, nous organisons des rafles chaque mois.
Ceux qui sont attrapés, on les rassemble ici et on convoque leurs parents. On les bastonne même légèrement pour leur rappeler qu’ils ont la mission d’étudier.
Côté bancs-pupitres, sont-ils suffisants dans les salles de classe ?
Nous remercions d’abord le gouvernement car, chaque année, on nous donne des bancs pupitres. Nous avons accordé un marché des bancs pupitres et les gagnants ont pu honorer à temps leurs engagements contrairement aux autres communes où nous entendons souvent que certains n’ont pas achevé leurs tâches.
Nous remercions aussi un particulier qui nous a octroyé cent vingt bancs pupitres. Même au niveau de la commune, nous sommes en train de demander au ministère ayant l’environnement dans ses attributions pour qu’il nous autorise à abattre les grands arbres bordant les routes afin de les utiliser pour fabriquer des bancs pupitres.
Nous espérons que nous aurons un avis favorable. Nous prévoyons avoir au moins entre 400 et 500 bancs pupitres cette année. En moyenne, 5 ou 4 élèves partagent un même banc pupitre.
Quels sont les besoins réels en la matière ?
Nous avons déjà demandé au directeur communal de l’Enseignement (DCE) de nous faire l’inventaire des besoins en bancs pupitres. Nous sommes aussi en train de sensibiliser les natifs collinaires pour contribuer.
Il existe des collines où les natifs ont déjà compris leur rôle dans le développement. C’est par exemple la colline Sabunda où ils se sont mis ensemble pour que chaque année, ils contribuent à hauteur de vingt-cinq bancs pupitres pour l’équipement d’une école construite sur leur colline.
Quel est ton bilan presque 4 ans après à la tête de cette commune ?
Quand je suis arrivé à la tête de cette commune en 2020, nous avons d’abord achevé la construction du bureau communal. Après, la commune s’est dotée d’un véhicule benne comme une autre source de revenu.
On s’était fixé l’objectif de planter au moins 500 mille arbres qui cohabitent avec les autres cultures vivrières, par an. L’objectif a été atteint. L’augmentation de la production des avocats figure aussi dans mes objectifs.
L’année passée, nous avons planté plus de 500 mille avocatiers. On est à l’étape de greffage. Nous avons aussi un objectif d’achever tous les chantiers des écoles inachevées. Il faut aussi que les agriculteurs adoptent une agriculture intensive. Là, ils vont utiliser un petit espace pour produire beaucoup.
Que chaque ménage ait au moins un animal domestique. On s’est aussi fixé l’objectif de mettre fin aux maisons en paille dans notre commune. Nous espérons que d’ici peu, le combat sera gagné.
Il en est de même pour ce qui est des mariages illégaux parce qu’ils créent des conflits familiaux. L’enregistrement de tous les enfants à l’état-civil doit aussi être une réalité dans notre commune. Nous comptons aussi décourager ceux qui vendent les vaches et les chèvres octroyées par les partenaires au développement dans le cadre des chaînes de solidarité communautaire.
Nous avons ainsi déjà saisi 120 chèvres et 15 vaches qui allaient être vendues alors qu’elles ont été octroyées par les bienfaiteurs. Les auteurs d’une telle pratique sont sérieusement punis.
Propos recueillis par Fabrice Manirakiza et Rénovat Ndabashinze
1. Vous ecrivez:« Et c’est d’ailleurs dans notre commune où on trouve le grand marché de bétail dans notre pays, à savoir celui de Vyerwa… »
2. Mon commentaire
a). Jusqu’ici quand on parlait du fameux marche de betail de Vyerwa, je croyais qu’il s’agissait de Vyegwa situe au nord de la ville de Ngozi. Je me souviens toujours de la terrible montee sur le raccoucis de la colline tout juste apres la riviere Nyamuswaga quand je devais marcher environ 30 kilometres de la Commune Gitaramuka(Province Karuzi) vers le College Don Bosco a Ngozi dans les annees 1964-1971.
b). Mugabo birababaza iyo ubonye ifoto y’inka ziziritswe muri iyo soko, canke impene mw’isoko imwe y’iBujumbura AHO UTABONA N’UTUZI CANKE UTWATSI BAHAYE IVYO BITUNGWA. Nk’aho muVyerwa ho, izo nka ziba ziri kuruzuba. Nko mubindi bihugu ubona ibitungwa bigiye kugurishwa bifatwa neza gusumba aho iwacu. Kweli twikosore.
J’aime bien la présentation de cet administrateur communal de par sa simplicité qui donne l’impression qu’il est vraiment proche de sa population. Même si l’habit ne fait pas le moine, mais tout de même!