A 101 ans, avec plus de 75 ans de vie religieuse, au service de la communauté, c’est une page d’histoire qui s’est refermée avec la disparition de Sœur Marie Thérèse Ludovica Musaniwabo. La doyenne de la congrégation des Bene-Tereziya a été inhumée ce vendredi à Gitega. Iwacu était là.
Elle incarnait tellement sa congrégation qu’on la surnommait « Mama Tereziya », ou encore « Mama Lou » pour les intimes. Son véritable nom est Sœur Marie Thérèse Ludovica Musaniwabo.
Elle était issue d’une grande famille, les Baranyanka. Une véritable princesse. Ceux qui l’ont côtoyée parlent d’une personne d’une simplicité exemplaire.
La messe de requiem a été célébrée à la cathédrale Christ-Roi de Mushasha. Une messe solennelle, à la hauteur de la personnalité, a été officiée par l’Archevêque de Gitega, Simon Ntamwana, en compagnie des Evêques de Rutana et de Ruyigi et plusieurs prêtres.
Après la messe, un long cortège de voitures s’est dirigé vers la colline Songa. C’est là où elle a été inhumée dans un cimetière privé de la congrégation des Bene-Tereziya, sa deuxième famille.
« Chère Tante, grande tante, arrière-grand-tante, le jour « J » que tu souhaitais tant est arrivé. Le Bon Dieu est venu te prendre. Tu disais à chaque personne qui venait te rendre visite :’’Nimunjane kwa Yezu’’ (amène-moi chez Jésus). Jésus à qui tu as consacré toute ta vie (76 ans de vie religieuse) est venu te chercher. C’est pour cela que nous partageons ta joie. Nous t’avons toujours connue au couvent. Nous t’avons toujours rendu visite au couvent avec nos parents. Nous savons que tu t’es toujours occupée de la jeunesse dans les écoles et dans les mouvements des jeunes. Nous connaissons ton amour pour ta congrégation. Nous sommes témoins », a dit avec émotion sa nièce, Lydia Nsekera. Selon elle, Sœur Marie Thérèse Ludovica Musaniwabo a joué un grand rôle pendant les années difficiles que la famille du Prince Pierre Baranyanka a traversées. « Tu t’es occupée des études de nos neveux et nièces. De nous tous. Avec nos parents, nos frères et sœurs, nous sommes reconnaissants. »
Pour Jean Marie Ngendahayo, son neveu, c’était une personnalité riche, difficile à cerner. « C’est pratiquement ma seconde maman. Sa vie a été riche à plusieurs points de vue. Sœur Ludovica est une personne qui s’est vouée à sa religion. Non pas dans le sens bigot mais elle a mis la religion dans la vie pratique. C’est une personne qui a toujours été préoccupée par l’éducation des gens pour qu’ils soient meilleurs. Elle s’est beaucoup consacrée à la jeunesse, car c’est l’avenir et l’espoir. »
Un moment terrible, la condamnation à mort de ses frères
Accusés dans l’assassinat du Prince Louis Rwagasore, le 15 janvier 1963, Jean-Baptiste Ntidendereza et Joseph Birori, ses deux frères, sont condamnés à mort et exécutés. La véritable personnalité de cette religieuse va se révéler. « Sa foi n’a pas été ébranlée. Elle n’a pas pleurniché. Elle n’a pas porté de jugements. Elle a été la plus courageuse et la plus forte pour se préoccuper de l’éducation des enfants dont les parents avaient été traumatisés ou disparus. Elle a pris en charge les enfants, loin du cyclone national. Il fallait que la famille se redresse. C’est elle qui a été le vrai pilier pour nous. Elle a pris le timon », explique, ému, Jean-Marie Ngendahayo.
Un autre souvenir l’a marqué. La religieuse aimait beaucoup l’éducation. « Chaque fois qu’elle revenait de l’Europe, elle nous ramenait des objets scolaires comme des livres. Des choses qui te poussent à travailler et à aller de l’avant », se souvient M. Ngendahayo.
Selon la mère générale des Bene- Tereziya, la presque totalité des religieuses de cette congrégation a été éduquée par Mama Lou. «C’est elle qui incarne et qui a initié au Burundi l’esprit de cette grande mystique, Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus. Avec sourire, elle dit qu’on la surnommait même « Tereziy ». On disait « qu’elles sont des sœurs. C’est elle qui a fondé la famille des Amis de la Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Nous avons beaucoup appris avec elle », témoigne la cheffe de la congrégation.
Eloi-Benoît Baranyanka, représentant de la famille Baranyanka, parle d’une personne qui a toujours aimé sa famille. « Toute la famille ne pensait qu’à Mama Ludovica. Depuis notre enfance, on nous racontait ses exploits. Elle s’est aussi donnée tout entière au Christ. Son objectif était la prospérité et l’universalité de l’Eglise Catholique. Une personne extraordinaire et très engagée. »
Selon M. Baranyanka, « Mama Lou » est née en 1919 sur la colline Ntobwe, commune Gitega de la province Gitega. « A cette époque, cette région s’appelait Bweyerezi. C’était un domaine des Batare de Mudari, notre arrière-grand-père. » Par après, elle est allée vivre à Kayanza sur la colline Rabiro. Elle a fait ses études primaires à Gatara avant de partir pour la Belgique , à l’Université de Louvain où elle a décroché une licence en sociologie. De retour au pays, elle a été nommée directrice de l’Ecole normale de Bukeye où elle a formé des générations d’élèves. «Sa préoccupation première était l’instruction et la spiritualité de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.» Autre haut fait de « Mama Ludovika », c’est elle qui est l’initiatrice du mouvement catholique, « Chiro Burundi. »
Disparue le 25 octobre dernier, la princesse de sang et de cœur repose désormais dans ce cimetière de Songa, dans une sépulture aussi simple, semblable à celles des autres religieuses qui se sont consacrées à cette congrégation.