Les partis de l’ADC-Ikibiri ont jugé nécessaire de former un seul bloc pour remporter les prochaines élections. Interprétée par certains comme un aveu de faiblesse face au Cndd-Fdd, cette stratégie, annoncée si tôt, suscite des questions sur sa faisabilité. L’alliance s’explique et rassure.
<doc4304|left>C’est décidé. Les partis membres de l’Alliance Démocratique pour le Changement (ADC-Ikibiri) feront une coalition aux élections de 2015. Selon Frédéric Bamvuginyumvira, les partis réunis au sein de l’ADC-Ikibiri doivent dépasser leurs intérêts pour qu’ils puissent « déposer et envoyer à l’école de la politique » les dirigeants actuels.
Pour Jean Baptiste Manwangari, ce serait une coalition composée de partis ayant une plateforme politique commune, un même projet politique. Il trouve que ce serait une très bonne chose, car « la faiblesse des oppositions africaines est d’être éparpillée. » Mais il n’écarte pas qu’il puisse y avoir des obstacles, comme les projets politiques des partis membres, et les objectifs personnels des leaders, dont certains sont en exil.
François Bizimana, porte-parole du Cndd, un parti membre de l’ADC-Ikibiri, lève les équivoques : « L’ADC-Ikibiri restera la même. La seule différence est qu’elle désignera un seul candidat. » Pour l’ancien député à l’EALA, quand les gens se mettent ensemble, chacun amène ce qu’il a d’utile et de nécessaire. Il ajoute que cette décision est motivée par une vision commune des problèmes et des solutions à y apporter. M. Bizimana considère que les coalitions ne se font pas par rapport au parti au pouvoir, mais par rapport aux défis du moment pour le bien du peuple. « Elle ne se fait pas non plus par rapport aux individus, qu’ils soient absents ou présents », précise-t-il.
Éviter d’être éparpillés…
Selon lui, le défaut des politiciens est de demander, à la dernière minute, à la population de voter pour eux sans avoir expliqué leur programme, raison pour laquelle l’ADC-Ikibiri annonce ses intentions, maintenant.
Le président du Frodebu, et président en exercice de l’ADC-Ikibiri, abonde dans le même sens, du moins en partie. Il réaffirme qu’il n’a jamais été question d’une autre coalition, mais de restructurer l’alliance en la dotant d’une vision. Pour ceux qui pensent que la stratégie de coalition est un aveu de faiblesse devant le Cndd-Fdd, Léonce Ngendakumana parle plutôt d’une tactique pour éviter l’éparpillement. Il ajoute que toutes les personnes contactées dans ce sens, à tous les niveaux, sont contre la dispersion. En se mettant ensemble, souligne-t-il, nous serons plus exigeants dans nos revendications.
Selon Léonce Ngendakumana, parler de coalition, aujourd’hui, vise à faire connaître, à temps, à la population, le projet de l’alliance. Et surtout enseigner aux Burundais la distinction entre élections et démocratie.
Une bonne stratégie, en somme…
Il semble donc que l’ADC-Ikibiri veut se transformer en un vaste mouvement politique et social pour faire face au parti au pouvoir, ce qui suppose une cohésion à l’intérieur de cette alliance.
C’est, sans doute une voie honorable de sortie de la crise car, à force de se cramponner sur l’affrontement avec le pouvoir, l’alliance aurait fini par « fatiguer » son électorat qui risque de ne plus croire en elle. Après la stratégie de « dénonciation politique », qui n’a pas réussi, il fallait passer à autre chose.
Sans oublier qu’au niveau de la communauté internationale, cette stratégie confirme l’idéologie politique revendiquée par l’ADC-Ikibiri. Car, face à un parti au pouvoir qui dispose de moyens illimités, il faudra beaucoup de soutiens, surtout matériels pour faire face au Cndd-Fdd pendant la campagne électorale.
Cependant, « dans le combat politique, la coalition demande de la patience, et il peut arriver que des leaders politique n’en aient pas à cause de la faim », comme le souligne le politologue le professeur Jean Salathiel Muntunutwiwe, politologue. Le risque est donc que ces mêmes leaders rejettent la coalition pour profiter des alliances et des liaisons dangereuses avec le pouvoir.