L’acquittement de Pierre Nkurunziza dans un dossier où il avait été condamné à mort en 1998 intrigue plus d’un. Face à plusieurs hypothèses plus « crédibles » les unes que les autres, l’affaire semble ne pas avoir fini de faire parler d’elle.
<doc4216|left>Le 8 juillet 2011, la chambre judiciaire de la Cour Suprême siégeant en appel annule l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Bujumbura, le 11 février 1998, condamnant, pr contumace, Pierre Nkurunziza, alias Peter, à la peine de mort. Ce verdict est également prononcé pour Léonidas Hatungimana, alias Muporo, Ismail Hussein, Jamali Nsabimana, Bosco Nyandwi, Haruna Hamadi et Swedi Nsanzurwimo. Membres de la guérilla du Cndd-Fdd, ils sont tous accusés de terroriser la population de Bujumbura, en particulier, et d’avoir fait posé des mines sur les routes de la capitale et des environs. A cette condamnation s’ajoute le paiement, par les six condamnés, d’une somme de 67.846.368 Fbu de frais de justice à partager entre les victimes.
Cet arrêt est signifié à Pierre Nkurunziza le 23 juin 2011, et son appel est formé par son conseil, Me Sixte Sizimwe, muni d’un mandat spécial pour faire appel, le 4 juillet 2011 à la Cour Suprême, respectant ainsi le délai d’appel de 30 jours. Cette cour invite les parties, l’appelant et le ministère public, à comparaître en audience publique le 8 juillet dernier, devant la Chambre Judiciaire, Section d’appel. Le jour de l’audience, Pierre Nkurunziza ne comparaît pas, mais son conseil plaide et la cour prend l’affaire en délibéré.
Dans son argumentation, Me Sizimwe fait remarquer que son client ne figure pas sur la liste des prévenus poursuivis. Pour lui, donc, la Cour d’appel a jugé une cause dont elle n’était pas saisie, ce que reconnaît également le ministère public. Me Sizimwe, appuyé toujours par le ministère public, demande que l’arrêt de la Cour d’Appel soit annulé. Il demande, en conséquence, que la demande de la partie civile soit rejetée. La suite, on la connaît.
Des irrégularités flagrantes…
Pour Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Aprodh, cette condamnation est juridiquement irrégulière à plusieurs égards. D’abord, Pierre Nkurunziza, devenu président de la République, ne peut pas être judiciairement poursuivi, sauf par la Haute Cour de Justice, inexistante, jusqu’aujourd’hui.
« Ensuite, dans un dossier pénal, un avocat ne peut pas plaider pour son client en son absence », relève M. Mbonimpa. Sinon, poursuit-il, le cas de Pierre Nkurunziza risque de faire jurisprudence. En tout état de cause, ajoute le président de l’Aprodh, il ne pouvait pas être là puisqu’il n’était plus le prévenu « Peter », mais le président de la République.
… mais pour d’autres raisons
« Si la Cour Suprême voulait absolument juger le citoyen Pierre Nkurunziza, alias Peter, il eût fallu que, momentanément, il démissionne de sa fonction de président de la République », indique le professeur Pascal Rwankara, constitutionnaliste.
Pourtant, il explique l’incompétence de la Cour Suprême n’est que temporaire : « S’il advenait que le président de la République n’occupe plus cette fonction, le procureur général pourrait encore saisir la Cour Suprême pour réformer un arrêt irrégulier. »
Et d’ajouter que les parties civiles peuvent le faire en formant une tierce opposition, par laquelle une partie qui n’a pas été invitée à la cause demande la rétractation de la décision judiciaire rendue, au motif qu’elle lui porte grief.
Selon le principe de la non rétroactivité de la loi pénale, il affirme que la juridiction compétente, à l’époque, était la Cour Suprême.
D’après la Constitution de 2005, seule la Haute Cour de justice est compétente pour juger le président de la République, mais seulement pour haute trahison. Et la pose des mines fait partie des crimes et délits de droit commun. Pour le Pr Rwankara, la Haute Cour de justice aurait été incompétente, dans ce cas. «Les faits incriminés datent d’avant 2005, année où la constitution l’instituant a été adoptée. Du reste, ces faits ne constituent pas, juridiquement, la haute trahison », insiste-t-il.