Le tribunal de grande instance de Mukaza a décidé de se donner du temps avant de prononcer son jugement final pour écouter la BRB et la Trust Marchent Bank.
Le scénario est digne d’un thriller. Un client étranger retire d’une banque établie dans un pays des millions de dollars (1, 5 millions pour être exact). Il est mandaté par une banque dénommée TMB, basée en République démocratique du Congo.
À bord de son véhicule de type jeep, le client les transporte allègrement chez lui en RDC. En cours de route des malfaiteurs l’attaque. La police intervient. Un voleur est tué et une grande partie de la somme est récupérée. Fin de l’histoire ? Non… Au contraire, c’est le début d’une saga complexe. Et ceci ce n’est pas un film. Cela s’est bien passé le 2 juillet 19.
En cause, Interbank, une grande banque au Burundi. Ce jour-là, c’est comme un coup de tonnerre en plein été. « IBB fait du trafic de devises, alimente la rébellion ». Sur les médias, le porte-parole de la police évoque soit un probable financement des groupes rebelles basés en RDC ou alors une fuite de dollars vers l’étranger pour créer une pénurie de devises et faire croire à une crise économique sur fond de manque de devises dans le pays. C’est grave.
Stupéfaction sur Bujumbura. Dans l’opinion, des questions fusent. Dans les bistrots, dans les familles, tout le monde parle de la « chute imminente de la banque ». Bujumbura est friande de rumeurs.
Rapidement, IBB est convoquée à la barre le 11 juillet. Les accusations sont gravissimes. L’infraction se trouve dans le fait d’autoriser à une personne morale des retraits en cash. « Une violation de l’interdiction relative au transfert de fonds conformément aux normes de réglementation de change énoncées par la lettre-circulaire D1/169/2015 du 2/10/2015 adressée à toutes les banques commerciales du pays. »
Le ministère public parle d’un préjudice porté à l’économie nationale et affirme que l’ordre public a été troublé à voir le caractère clandestin des retraits de montants en devise sans sécuriser son client et son argent.
IBB se défend
Pour sa défense l’Interbank indique que la banque congolaise TMB n’est pas visée par la loi, n’étant pas une personnalité morale établie au Burundi. La loi de la BRB concerne celles basées au pays uniquement. Elle dit avoir agi dans la légalité. Des opérations connues par la banque centrale. La banque conteste donc la « clandestinité de l’opération ». Un document de la BRB étaye ses propos. Les opérations faites avec la banque congolaise remontent en 2015, ce qui enlève le caractère de flagrance à l’affaire. L’IBB affirme avoir agi dans la légalité. Des opérations connues par la banque centrale.
Un document de la BRB étaye ses propos. Les opérations faites avec la banque congolaise remonte en 2015, ce qui enlève le caractère de flagrance à l’affaire. L’Interbank souligne plutôt que « leur relation a contribué à l’économie nationale en faisant entrer ces devises dans le pays ».
Finalement, « le tribunal a statué avant dire droit, » peut-on lire sur le prononcé du jugement. En gros cela signifie que les juges ont constaté qu’avec les éléments en leur possession, il semblait difficile de prononcer la sentence finale. Il a donc décidé de la réouverture des débats.
D’abord, pour que la banque congolaise, TMB comparaisse en tant que partie civile. Elle doit produire des documents attestant avoir toujours reçu de l’IBB des devises depuis 2014.
La banque centrale burundaise, BRB est également appelée à la barre afin de donner des précisions concernant les opérations bancaires au moment de l’entrée et de sortie de la monnaie étrangère.
Force est de constater qu’avant de s’avancer vers un verdict final, le tribunal de grande instance de Mukaza annonce déjà avoir statué sur certains points.
Il semble rejoindre le ministère public dans plusieurs de ses arguments. Il trouve par exemple qu’il y a eu violation des dispositions de l’article 67 alinéa 3 qui interdit formellement les opérations de retrait en cash d’un compte en devise effectuée par l’IBB et qu’en gros, la Réglementation de change énoncée dans la circulaire n° D1/1697/2015 a été violée. Le tribunal rejoint également le ministère public en parlant d’un manque de dispositif de sécurité pour le transport qui a entaché l’image du pays.
Le tribunal trouve néanmoins que le ministère public porte ses accusations sur une période de cinq ans alors que la circulaire citée date de 2015. Il estime donc que le réquisitoire porterait plutôt sur une période de 4 ans. Le tribunal n’a pas été convaincu par le caractère flagrant de la procédure conformément à l’article 230 CPP. L’affaire donc est loin d’être terminée.
Un réquisitoire bien corsé
Le ministère public requiert contre l’Interbank une condamnation et le paiement d’une amende de ¼ de son chiffre d’affaires depuis 2015 à 2019 au sens de l’article 108 du code pénal livre I.
Ainsi les chiffres d’affaire de l’IBB exercice 2018 étant de 38.765.935.000 BIF. L’amende est de 9.441.438 .750 BIF.
-Pour 2017 avec un chiffre d’affaire de 31.320.150.000 BIF l’amende est de 7.830.037.500 BIF
-Pour 2016, le chiffre d’affaire est de 42.751.543.000Bif l’amende est de 10687.885 .750BIF
-En 2015, le chiffre d’affaire est de 29.521.718.000Bif avec une amende de 7.380.429.500 BIF
-Pour l’exercice 2014 le chiffre d’affaire étant de 34.932. 824.250Bif l’amende est de 8.733.206.062 BIF
L’amende requise par le ministère public est de 44.073.042.562 BIF mais également « la société burundaise se trouve sous le choc des faits causés par l’Interbank Burundi » et le ministère public demande des dommages intérêts de 10.000.000.000 BIF par an à partir de 2015 jusqu’en 2019 ce qui totalise un montant de 50.000.000.000BIF au profit de la victime qui est l’Etat du Burundi ainsi que la confiscation du corps du délit conformément à l’article 435 CPLII.
Le ministère public requiert enfin des sanctions à l’endroit du premier dirigeant de l’Interbank Burundi afin d’écarter le renouvellement de l’infraction.