Lundi 04 novembre 2024

Culture

A quand les droits d’auteur ?

09/11/2020 Commentaires fermés sur A quand les droits d’auteur ?
A quand les droits d’auteur ?
L’artiste Yves Kami déplore l’absence de mise en œuvre des lois sur les droits d’auteur.

10 ans après la mise en place de l’Office burundais des droits d’auteur (OBDA), les artistes ne jouissent toujours pas de leurs œuvres. Loi sur loi… parcours d’un interminable processus.

Les droits d’auteur ne sont qu’un label, depuis 2005. Loi sur loi, mais la mise en application reste une grand problématique. Les artistes se disent las d’attendre.

Le musicien tradi-moderne Yves Kami indique que le processus a commencé en 2005 avec la mise en place de la loi portant protection du droit d’auteur et des droits voisins. D’après cet artiste licencié en droit, cette loi se référait à l’article 58 de la Constitution de l’époque qui précisait bien que les artistes doivent jouir de leurs propriétés intellectuelles. « Depuis lors, nous avons attendu, en vain, la mise en œuvre de cette loi».

Les artistes retrouvent une lueur d’espoir en 2011 avec le décret portant création de l’Office burundais des droits d’auteur (OBDA), d’après cet artiste. « Là, nous étions très contents, nous étions vraiment sûrs que nos droits vont être respectés. Mais jusqu’aujourd’hui, 10 ans après, rien !»
Entre temps, en 2014, une ordonnance conjointe des ministères des Finances et de la Culture portant sur la perception des droits d’auteur est mise en place. Elle précise comment et combien l’OBDA va percevoir sur toutes les catégories d’exploitants d’œuvres (hôtels, radios, bars, etc.) « Mais tous ces instruments restent dans les tiroirs, ils ne sont pas mis en application».

Il y a quelques jours, le ministère de la Culture demande, dans une correspondance sorti le 16 octobre, aux studios de s’acquitter des redevances de l’exploitation des œuvres artistiques. Mais pour Kami, ce ne sont pas les studios seulement qui exploitent ces œuvres. Il y a de gros consommateurs, comme les télévisions, les radios, les hôtels, etc. Il fallait que cette ordonnance vise tous les exploitants.

La faute aux artistes ?

Le musicien Yoya estime que les artistes ne font rien pour mériter les droits d’auteur.

Le chanteur burundais Yoya, Issa Jamal de son vrai nom, qui évolue aujourd’hui en Angleterre, estime que les artistes burundais revendiquent mal leurs droits : « Ils se sont battus, depuis les années 80. Plus de 30 ans après, c’est le même combat. »

Pour cet artiste, ce n’est pas nécessaire de réclamer ces droits alors que les artistes ne font rien pour le mériter. Ils doivent d’abord se valoriser pour que le gouvernement leur donne de la valeur en retour. « Il faut que les artistes burundais s’associent, soient solidaires et paient les taxes». D’après lui, tous les gouvernements du monde priorisent des secteurs qui font rentrer de l’argent au pays.

Yoya pense que les artistes devraient avoir une même identité culturelle vendable à l’extérieur pour que l’Etat leur donne de l’estime. « Les Indiens nous vendent leur danse traditionnelle, nous la dansons, nous l’aimons». Mais les musiciens burundais adoptent des styles très différents, nigérians, tanzaniens, kenyans, etc. « Ce n’est que du loisir qu’ils offrent au monde extérieur au lieu de vendre !»

Quant au chanteur burundais Kidumu qui évolue au Kenya, il déplore que les artistes burundais ne jouissent pas de leurs œuvres. Alors que les radios ne peuvent pas vivre sans ces œuvres.

Kidumu affirme qu’au Kenya, lui et tous les artistes sont payés tous les trois mois par Music Copyright society of Kenya, la société de gestion des droits d’auteur pour le Kenya. « Toutes les maisons qui ont exploité nos chansons (radios, voitures des gens, boîtes de nuit, bars, etc.) doivent s’acquitter des redevances».

La propriété intellectuelle, « complexe et compliqué »

Gordien Bucumi de l’OBDA parle d’un domaine qui est difficilement compris par les usagers d’œuvres.

L’OBDA explique ce long processus par la complexité du domaine de la propriété intellectuelle. Gordien Bucumi, technicien de cet office, explique que le grand problème est que la propriété intellectuelle est une notion qui est difficilement comprise par les gens. Pour lui, il est facile et normal de payer les redevances sur les marchandises que tu as vendues. Mais c’est très différent de la propriété intellectuelle. « Tu exploites l’intelligence d’une personne, ce n’est pas palpable».

Il indique qu’il y a eu un grand travail de sensibilisation mais les usagers ont eu du mal à le comprendre. Ils se demandent comment ils peuvent payer pour une musique qu’ils ont achetée. Or, explique M. Bucumi, l’on ne peut pas acheter la musique. L’on achète le support, le CD par exemple, qui comporte la musique. Le support t’appartient, mais la musique qui s’y trouve reste la propriété de l’auteur. « Il a fallu un long temps pour qu’ils le comprennent».

Ce technicien à l’OBDA évoque aussi la crise de 2015 qui a constitué un frein pour le processus qui a véritablement commencé à cette année. Selon lui, les usagers ne voulaient pas payer à cause des conséquences de la crise sur leurs chiffres d’affaires.

A cause de la complexité et de la nouveauté du domaine des droits d’auteur, il a aussi fallu l’intervention des experts de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Or, la situation de 2015 n’a pas facilité l’intervention de ces experts internationaux.

M. Bucumi indique que l’OBDA possède 194 contrats signés avec les différents usagers des œuvres. « Bientôt, nous allons commencer à faire les recouvrements».

Il parle notamment d’un contrat avec les studios à travers l’Union des studios pour le développement du Burundi (USDB) signé en juillet 2019. Les studios doivent s’acquitter de 5.000 BIF par studio, par trimestre.

D’après lui, la correspondance du ministère de la Culture s’adresse seulement aux studios, pour le moment, car ils sont beaucoup plus concernés que les autres. « Leur principale activité, c’est de vendre les œuvres qui, de surcroît, ne sont pas les leur. Un bar exploite une musique juste pour agrémenter les clients, mais leur activité est de vendre les boissons». Il souligne que les autres usagers suivront.

Autour de 600 œuvres, la plupart des chansons, sont pour le moment enregistrées à l’OBDA et donc protégées.

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