La bonne nouvelle est tombée dans la soirée de ce jeudi 24 décembre, à la veille de Noël. Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Térence Mpozenzi et Egide Harerimana ont été libérés et accueillis par leurs familles et collègues.
Aussitôt la nouvelle connue, vers 17 heures, les journalistes se mobilisent. Le directeur des publications du Groupe de presse Iwacu, Léandre Sikuyavuga et quelques journalistes démarrent en trombe vers la prison de Bubanza.
Au siège du journal, c’est l’effervescence. Les téléphones chauffent, les journalistes affluent par tous les moyens : à pied, en taxi voiture, sur taxi moto… Dans la cour du journal, les journalistes suivent via WhatsAp le voyage de l’équipe emmenée par Léandre Sikuyavuga qui rend compte au fur et mesure : « Nous arrivons à Carama… », « Nous dépassons… », les kilomètres défilent… La nuit est presque tombée.
A l’arrivée à Bubanza, les quatre journalistes sont à l’extérieur du triste bâtiment où ils ont été privés de liberté durant 430 jours. A la vue des collègues venus les chercher, ils dansent, lèvent les mains en signe de victoire. « Et voilà nous sommes libres. Quelle joie !», s’exclament-ils.
Ils ont troqué l’uniforme vert des prisonniers. Comme si c’est une renaissance, ils sont tirés à quatre épingles. Christine et Agnès sont bien maquillées, rayonnantes. L’émotion prend le dessus. La joie explose. Accolades chaleureuses, interminables. Quelques larmes.
Les quatre journalistes semblent dépassés. « Je n’arrive pas à comprendre. C’est un jour que je n’attendais pas. Je vais revoir le monde», dit Egide Harerimana, presque hébété. « C’est très émouvant», renchérit Agnès Ndirubusa.
Par téléphone l’équipe partie à Bubanza informe les journalistes au siège du journal. Impatients. L’équipe démarre et quitte Bubanza. La nuit est tombée.
A l’arrivée, dans la cour du journal, près de cinquante journalistes sont là, ceux d’Iwacu, mais aussi des collègues des autres médias ont rappliqué . Des membres de leurs familles sont venus. Les journalistes entrent sous les applaudissements, ils remontent une haie d’honneur qui s’est formée spontanément et, soudain, c’est le chaos !
Les quatre journalistes sont assaillis , embrassades, larmes, dans la cour du journal, une joyeuse cacophonie s’installe. Dylan, le petit garçon d’Agnès Ndirubusa , des fleurs à la main, ne parvient pas à garder pour lui seul sa maman, complètement perdue.
Une scène de liesse mémorable dans les enceintes du Groupe de Presse Iwacu.
« Je suis très heureuse de voir le monde, l’extérieur. De voir ma famille et retrouver Iwacu. C’était un parcours de combattant. On vient du gouffre, mais là on va fêter le Noël en famille», se réjouit, Agnès Ndirubusa, une des journalistes libérés.
« Signe de victoire pour la liberté de la presse »
Pour Adolphe Masabarakiza, leur chauffeur arrêté avec eux et libéré un mois plus tard, Dieu a montré sa bonté. Ce rendez-vous était impatiemment attendu. Le chauffeur, très calme, dit : « Dieu est incapable de laisser son peuple. Il répond en temps réel selon sa volonté».
Les parents de Christine Kamikazi sont là, émus. « C’est un beau cadeau de Noël. Mon enfant vient de renaître avec l’Enfant Jésus», jubile Vénérand Gapari, le papa de Christine Kamikazi. Digne, il va prononcer un petit discours où il remercie le président de la République, Evariste Ndayishimiye, et tous ceux qui ont contribué à leur libération.
Au sein du Journal Iwacu, c’est une grande joie. Le directeur des publications salue la mesure de remise de peine du président de la République . Pour lui, cette libération est une victoire pour la liberté de la presse. La joie, dit-il ,est intense pour cette décision prise à la veille de la fête de la nativité du Christ. « C’est une grande joie et pour moi et pour les journalistes et pour les familles et pour tous les Burundais».
Diane Ndonse, la présidente de l’Association des Femmes Journalistes, AFJO est venue accueillir les 4 journalistes, elle évoque la joie de toute la presse burundaise . « Nous remercions le président de la République Evariste Ndayishimiye pour cette bonne décision qu’il a prise de libérer ces journalistes. Il a répondu à notre appel», dit-elle.
Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Térence Mpozenzi et Egide Harerimana venaient de passer 430 jours dans la prison de Bubanza. Ils ont été arrêtés le 22 octobre 2019 à Musigati dans la province de Bubanza où ils étaient en reportage sur des affrontements entre un groupe de rebelles et les Forces de l’ordre. Ils avaient été condamnés à 2 ans et 6 mois de prison et une amende d’un million de francs burundais chacun.
Initialement accusés de « complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat», les 4 journalistes seront finalement condamnés pour « tentative impossible» . Selon l’article 16 du Code pénal : « Il y a tentative impossible lorsqu’un délinquant en puissance a fait tout ce qui était en son pouvoir pour commettre une infraction, alors que celle-ci ne pouvait se réaliser par suite d’une impossibilité qu’il ignorait ».