C’est une commune au potentiel touristique énorme. Pourtant, les caisses sonnent toujours creux…
Faites place, chers enfants. Il fait frais, c’est le soir, et là haut, la nuit tient la lune. Même si je ne suis pas trop vieux, je vais vous raconter ce qu’il y a, à Mpinga-Kayove. Connaissiez-vous la forêt de Nyamuswaga ? Elle se trouve à la frontière entre la province de Rutana et celle de Ruyigi. C’est là, il y a des années déjà, qu’on allait trouver l’écorce de l’arbre appelé isugi (le mot veut dire ‘vierge’) et qui servait à transporter le sorgho de Nkoma lors de la fête de l’umuganuro (fête nationale de semailles pendant la monarchie). Justement, sur la colline Muganza, il y a de braves gens qui plantent encore, quatre-vingt trois ans après la dernière cérémonie traditionnelle de ce symbolique rendez-vous annuel, le sorgho qui était utilisé pour préparer la pâte et le vin de l’umuganuro. Muganza et Murehe, deux collines qui abritent chacune un {ikigabiro} – enclos royal. Et non loin d’elles, sur la colline Kayove, vous verrez, je vous y emmènerai, Urwobo rwa Nyabarega – la grotte de Nyabarega. Une immense bouche noire qui s’ouvre dans la terre, aux parois suintant une eau claire, aux murs en calcaire, et qui, selon la légende, aurait accueilli le Roi Ntare. Comment ? Ce sont les vieillards du coin qui le disent…
Où est passé akarenge ka Ntare ?
Shuut ! Ouvrez bien les oreilles et écarquillez bien le yeux : il y avait, vers la colline Banege, {akarenge ka Ntare}. Trois empreintes de pied sur une grosse pierre : celle d’un homme, le Roi Ntare, celle d’une vache et celle d’un chien. Les vieillards juraient que c’étaient des traces, vraies, laissées par le monarque qui venait fonder le royaume du Burundi. Il y a longtemps, très longtemps. Et puis pffuit !, disent certains, la pierre, on l’a volé. Certains jurent que c’était il y a trois ans, d’autres affirment que c’était sous le règne du président Bagaza, alors que la troisième version avance l’hypothèse des tailleurs de pierre qui auraient tout détruit à Banege. Et puis, il y a la Faille des Allemands, à Nyakazu, d’où, au loin, on peut voir la Tanzanie. Sans oublier les chutes de Karera. Il est vrai que cette dernière est au coeur d’un conflit entre la commune de Musongati et celle de Mpinga-Kayove. Mais le président a arrangé tout cela, par décret présidentiel, au profit de cette dernière. Tu dis ? Et comment ! C’est une commune incroyablement riche. Au passage, je ne vous dis pas comment le pain cuisiné dans le petit marché de Kayero est si délicieux… Impossible d’en trouver pareil à Bujumbura.
Sauf que …
… ces retrouvailles fictives autour du feu risquent de s’arrêter là. Car, s’il est vrai que tous les lieux cités existent bel et bien, leur accès est un autre problème : « Nos routes sont en pitoyable état », se plaint l’administrateur communal de Mpinga-Kayove, Révocate Nibigira. Pour quitter la RN 8 qui joint Gitega à Rutana, en passant par la colline rocheuse surnommée {Ku vyuma} jusqu’au chef-lieu de la commune, il faut compter un peu plus d’une heure de route, dans une bonne jeep. Ajoutez à cela le manque de planification du développement touristique de Mpinga-Kayove. L’exemple est le « projet de construction d’un petit hôtel de quatre chambres à la lisière de la Faille des Allemands » que Mme Nibigira avait commencé en début de l’année. Cela devait être l’œuvre du Cinquantenaire. Hélas!, malgré l’accord du gouverneur de la province, l’Institut National de l’Environnement et de la conservation de la nature – INECN ordonne l’arrêt des travaux. Motif : il n’a pas été avisé du projet, alors que la Faille des Allemands est sous sa coupe. Vincent Muhitira, Directeur général de l’INECN précise même que « l’Institut est engagé dans un processus de classification du site par l’Unesco au patrimoine mondial. Cela devrait rapporter beaucoup plus que la construction d’un petit hôtel.» Résultat : le patrimoine touristique de Mpinga-Kayove ne profite pas du tout à la commune. Sans infrastructures d’accueil, ni artisanat, ni service de guides, le constat de Révocate Nibigira qui admet que sa commune ne gagne rien de son potentiel touristique est fort compréhensible… Et ce n’est pas aujourd’hui qu’on est vraiment prêt à emmener les enfants voir le sorgho blanc de Nkoma.