En août 2011, je me suis rendu en pèlerinage à Mugera. C’était un moment de dévotion extraordinaire qui témoignait de la foi profonde des fidèles. Dès la veille du 15 août, des dizaines de milliers de chrétiens affluent sur la belle colline et passent la nuit à prier. J’avais été choqué par l’absence de toilettes publiques. J’ai retrouvé ce reportage. Souvenirs.
L’absence de toilettes au sanctuaire marial de Mugera, qui accueille des dizaines de milliers de pèlerins le 15 août, est une catastrophe hygiénique. La colline reste souillée durant de nombreuses semaines.
Comme chaque 15 août, le sanctuaire dédié à la Sainte Vierge à Mugera a tenu ses promesses. Dès la veille, le 14, les fidèles sont venus des quatre coins du Burundi pour passer une nuit entière de prière au pied d’une belle statue de la Vierge Marie encastrée dans une grotte taillée dans le roc de la colline.
Mugera, le 15 août, est le rendez-vous des croyants qui ont une dévotion pour la mère du Christ. Le site a été créé il y a une cinquantaine d’années. Historiquement, Mugera, colline royale, était sacrée. Malins, les premiers missionnaires s’y sont installés pour échapper aux lances des « pagani » (païens). Sur la colline sacrée, personne n’a osé s’attaquer à ces étranges hommes blancs que même les mânes de Mugera semblaient respecter.
Le sanctuaire, perché sur une colline, domine un paysage magnifique. En contrebas de la colline, se trouvent la vieille église au style roman, trapue et massive, ainsi que les bâtiments du séminaire qui ont vu défiler une bonne partie de l’élite intellectuelle. Du haut de la colline, on voit dans la vallée la majestueuse Ruvubu qui serpente paresseusement au milieu de champs verts de patates douces.
Sous un ciel tricoté d’étoiles, dans l’attente de la fête de l’Assomption, toute la nuit du 14 août, des dizaines de milliers de fidèles alterneront chants et chapelets.
Au petit matin, les fidèles, à pied, en bus, à moto ou en grosses jeeps, arrivent et gravissent la montagne dans une nuée de poussière. C’est le grand jour. La grande messe. Cette année, le deuxième vice-président représente le gouvernement.
La messe est concélébrée par une belle brochette de princes de l’Église, emmenée par l’Archevêque de Gitega, Mgr Simon Ntamwana. Bref, l’Église catholique déploie toute sa splendeur. C’est beau, recueilli et solennel. Voilà pour la belle face de la médaille.
Il faut regarder où vous posez les pieds
L’autre face est moins luisante. Plutôt malodorante. Car sur cette belle colline, au petit matin, il faut regarder où vous posez les pieds. Imaginez la « production » humaine de dizaines de milliers de personnes regroupées sur une colline toute une nuit, sans toilettes. Les pèlerins se soulagent dans la nature. Au petit matin, dans les herbes, derrière chaque bosquet, se dégage une terrible odeur. L’odeur des déjections humaines domine les effluves des encens de l’office dédié à la Vierge. Un habitant des lieux, écœuré, témoigne : « Cette odeur persiste jusqu’aux premières pluies. » On peut aisément imaginer la pollution suite au ruissellement des eaux souillées par les fèces vers la vallée.
L’Église catholique devrait creuser de nombreuses toilettes sur la montagne. Elle pourrait faire appel à la bonne volonté des fidèles pour ces travaux. Les évêques et curés devraient faire campagne pour interdire de se soulager dans la nature. Généralement, leurs voix sont entendues. Pour que vers la Vierge aimée ne montent que prières et autres magnificat. Pas les odeurs des déjections humaines.
NB : Ce reportage a été écrit en août 2011, bien avant mon exil. Entretemps, espérons que les choses ont changé et que des toilettes publiques pour accueillir les dizaines de milliers de pèlerins ont été aménagées. C’est mon souhait.
Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur www.iwacu.site.
En 2015, faussement accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil. Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale .
Contact: [email protected]
Merçi Kaburahe pour la note d’éclaircissement
OOh notre pays. Il devrait être un lieu touriste qui leur génèrerait des revenus. Mais l’Eglise Catholique est responsable en premier lieu. Regardez Kibeho au Rwanda, on y trouve des hôtels et actuellement on est entrain de collecter 100millions de dollars pour l’extension des logements..
C’est absolument incroyable! Si nous avions un pouvoir laique et non theocratique comme l’actuel, de tels rassemblements sans conditions rigoureuses d’hygiene et de securite devraient etre interdits. C’est ici qu’on en vient a regretter Bagaza. Le precedent primat de l’Eglise anglicane a fait scandal en affirmant que le christianisme en Afrique est proche de la sorcellerie mais il avait absolument raison a la lumiere de ces revelations qui depassent l’entendement.
Note
J’ai interrogé quelques fidèles à Mugera. Apparemment, les choses se sont améliorées.
Merci
AK