4e anniversaire du coup d’Etat manqué de 2015 caractérisé par un ton ferme du pouvoir. A la veille des élections, les tensions sont loin d’être apaisées.
4 ans après le putsch manqué, le pouvoir de Gitega veut marquer le coup avec une décision de justice notamment.
Dans une déclaration de ce mercredi 15 mai, la Cour suprême et le procureur de la République ont ordonné la saisie des biens meubles, immeubles de 41 personnes accusées d’avoir trempé dans le coup d’Etat avorté de 2015.
Ces biens devront être exploités par l’Etat « dans l’intérêt général. » Une décision qui vient s’ajouter aux mandats d’arrêt international émis contre ceux qui se sont soulevés contre la candidature du président Pierre Nkurunziza, jugée anticonstitutionnelle.
La plateforme de l’opposition en exil, le Cnared et la société civile en exil rejettent cette décision qualifiée de « pillage systématique ». Elles évoquent une persécution, une volonté d’affaiblir leur détermination dans leur lutte et celle d’éviter toute future fronde.
Cette décision vient quelques jours seulement après l’interview que le patron du parti Cndd-Fdd a accordée à la télévision nationale. Dans cette émission télévisée, Evariste Ndayishimiye a lancé quelques pistes de solutions pour que le Burundi ne revive plus jamais ‘ le renversement des institutions démocratiquement élues’. Il a notamment insisté sur la lutte contre l’impunité de ceux qui ont induit d’autres Burundais en erreur. « Ils doivent être sanctionnés fermement pour servir d’exemple à tous ceux qui voudraient refaire la même chose ». Les pays qui abritent ces personnes poursuivies sont invités à les rendre à la justice burundaise. Le secrétaire général du parti au pouvoir a également demandé à la communauté internationale, essentiellement les pays occidentaux « de ne pas renforcer ces personnes qui ne veulent pas vivre en harmonie avec les autres ».
Le parti Frodebu déplore que les victimes de 1972 fassent la même chose que le régime de l’époque. Il rappelle que les manifestations et le putsch manqué résultent plutôt de la volonté du président Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir par un troisième mandat anticonstitutionnel et contraire à l’Accord d’Arusha. Pour que l’histoire ne se répète pas, le vice-président de ce parti, Léonce Ngendakumana, estime qu’il faut donc respecter les lois dans la gestion des affaires de l’Etat. « Il faut accéder au pouvoir de manière démocratique, le gérer démocratiquement et le quitter démocratiquement et éviter d’opérer un coup d’Etat constitutionnel pour se maintenir au pouvoir ».
Le parti CNL estime qu’une crise naît de plusieurs facteurs. Selon le président de ce parti, Agathon Rwasa, les mécontentements de la population sont générés par l’attitude du pouvoir. « Quand la démocratie est mal interprétée, quand il y a favoritisme certains sont considérés comme des super citoyens tandis que d’autres comme des étrangers, cela crée des frustrations». Pour que les élections soient apaisées, la justice devrait sévir et punir ces militants zélés qui malmènent les autres partis de l’opposition. « Malheureusement la justice et le pouvoir penchent en faveur des uns laissant les blessures chez les autres ».
Pour rappel, les manifestations commencent le lendemain de l’annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza. Le 13 mai, les Burundais et la communauté internationale apprennent par la voie des ondes le renversement des institutions. Une annonce-choc accueillie différemment par la population. Les manifestants ainsi que tous ceux qui réclament le départ du président Nkurunziza investissent les rues en liesse. Les autres sont en panique, déboussolés. Les forces loyalistes et putschistes s’affrontent pendant quelques heures. Les putschistes déclareront forfait le lendemain. La crise qui a éclaté depuis lors a contraint plusieurs Burundais à l’exil.
Une crise loin d’être terminée
Quatre ans après le commencement de la crise, la situation est loin d’être apaisée. La tension monte d’un cran après la décision de saisir les biens meubles et immeubles des personnes poursuivies par la justice burundaise. Gitega montre ses muscles. Nous sommes dans une logique de revanche. « Un régime qui ressemble à certains de ses tristes devanciers, » déplore un observateur.
Le secrétaire général du parti au pouvoir déplore qu’il y ait des pays « qui continuent de renforcer ceux qui ont failli plonger le pays dans une crise sans précédent. » Selon lui, visiblement l’ennemi qui s’est exilé continue de nuire aux intérêts du régime.
Concernant les rapports des organisations internationales qui continuent de distribuer des cartes rouges au pouvoir, l’accusant notamment de violations graves des droits de l’homme, le pouvoir en place estime que « nul doute que ces rapports sont concoctés par l’opposition et la société civile qui ont organisé ce coup de force raté». Une rhétorique bien rôdée de Gitega.
Jusqu’ici, toutes les tentatives de sortie de la crise sont restées sans issue. Le facilitateur dans le conflit inter-burundais a clos le dialogue en queue de poisson. Découragé, le président Benjamin Mkapa a fini par jeter l’éponge. Le dernier round s’est soldé avec le boycott d’une partie au conflit : le gouvernement et le parti au pouvoir. Le dernier sommet des chefs d’Etat de l’EAC a reporté l’étude de la question burundaise sine die.
Le message envoyé par Gitega à ceux qui spéculent encore sur un éventuel dialogue est très clair : « Circulez, il n’y a rien à voir. »
A quelques mois des élections, la hache de guerre est loin d’être enterrée. Pire, selon plusieurs observateurs, le pays évolue vers la radicalisation. Sur le terrain, l’opposition crie à la chasse à l’homme et au verrouillage de l’espace politique. Rien d’apaisant en somme…