L’emprisonnement de Junior Nganjiyimana et de sa maman Aline Ndikumana soulève un tollé, depuis quelques jours. Selon les proches, ils ont été incarcérés en lieu et place de Théogène Ndikumana, le chef de famille, après une fouille perquisition où des armes ont été trouvées. La famille dénonce un emprisonnement politiquement motivée.
«Elle ne sait rien de la politique. Ça me fait mal quand je la vois en prison. C’est une injustice sans nom», s’indigne un proche d’Aline Nduwimana. «Nous sommes devenus des étrangers pour Junior. Lorsque je suis allé les voir, il avait peur de moi», fait savoir un autre membre de la famille.
Aline Ndikumana a été arrêtée le 1 septembre 2019. Elle est l’épouse de Théogène Ndikumana, secrétaire communal du Congrès national pour la liberté (CNL). Elle est incarcérée avec son fils de 2 ans, Junior Nganjiyimana. Aline Ndikumana est accusée de «détention illégale d’armes à feu». Elle a été condamnée à 2 ans de servitude pénale avec une amende de 100.000 BIF.
Arrêtée à la place de son mari
Dans la nuit du 31 août au 1 septembre 2019, la police a fait une fouille-perquisition au domicile de Théogène Ndikumana sur la colline Musenyi de la commune Nyabiraba en province Bujumbura. «Les policiers sont arrivés à 2 heures du matin. Ils étaient avec des Imbonerakure. Ils ont encerclé la maison».
4 grenades et 30 cartouches sont «trouvées». Elles étaient emballées dans les habits des enfants de la famille. Et aussi un pantalon de Théogène Ndikumana. Ce dernier n’est pas à la maison. «J’étais avec lui dans une fête. Il n’est pas rentré ce soir», indique un habitant de Musenyi. La police entre dans la maison du secrétaire communal du CNL, mais ne trouve rien. « Lorsque nous avons entendu la nouvelle que la police fouille la maison, nous avons accouru. Je suis entré dans la maison avec la police. Nous avions peur que des gens mal intentionnés planquent des armes dans la maison. Ils n’ont rien trouvé», témoigne un voisin de la famille. «J’étais à l’extérieur. J’ai entendu Ndoricimpa, un Imbonerakure du coin, appeler les policiers pour leur montrer où fouiller», indique un autre voisin. «La veille, il n’y avait rien. Ce sont des armes qui ont été mis là-bas pendant la nuit».
Aline Ndikumana est arrêtée sur le champ. Avec son enfant d’une année et demie, Junior Nganjiyimana. Dans un procès en flagrance, Aline est condamnée à 2 ans. Le procureur avait requis 10 ans de prison. «Les juges ont vu que les accusations ne tiennent pas, mais ils ont eu peur de relâcher Aline», commentent les proches de la famille.
«Les juges ont dit que les armes ont été trouvées dans la parcelle de Théogène, mais c’est faux. Elles ont été trouvées dans la parcelle de son voisin, Claude Barutwanayo. C’est vraiment incompréhensible», souligne un habitant de Nyabiraba. «Ma parcelle n’est pas clôturée. Quelqu’un peut entrer comme il veut», fait remarquer depuis son lieu d’exil Théogène Ndikumana. «Le pantalon qu’ils ont utilisé pour emballer ces soi-disant armes était vieux et troué. Il n’était même pas lavé. Je l’avais jeté. Les habits de mes enfants étaient à l’extérieur parce qu’on les avait lavés», raconte Théogène Ndikumana.
Des mobiles politiques?
La famille de Théogène Ndikumana a été attaquée le 23 juillet 2019. «Je les ai vu venir. J’ai reconnu Alphonse Nsekakariyo et Alexandre qui est chef du parti Cndd-Fdd sur la commune Musenyi. J’ai été sauvé par mes voisins. J’ai signalé cette attaque, mais rien n’a été fait», indique Théogène Ndikumana. «Si on n’était pas intervenu, Théogène et sa famille seraient morts», raconte un voisin.
D’après des sources à Nyabiraba, le secrétaire communal du CNL a été menacé depuis son entrée dans ses fonctions. «L’administrateur communal était parmi les plus virulents détracteurs. Il voulait même le faire renvoyer de son école où il travaillait», raconte un habitant de Nyabiraba. «Dans une réunion, l’administrateur communal a déclaré qu’il ne voulait pas du CNL à Nyabiraba».
Ferdinand Simbananiye, administrateur de la commune Nyabiraba, balaie du revers de la main toutes ces accusations : «Je ne suis pas impliqué ni de près ni de loin dans cette affaire. Ils ont été attrapés avec des armes. L’époux a pris le large et les policiers ont arrêté son épouse.» L’administrateur ne pense pas que ce sont d’autres gens qui ont amené ces armes. «Où est-ce qu’ils ont trouvé les habits de ses enfants». Il nie aussi qu’il n’a jamais voulu faire renvoyer Théogène de son travail. « Est-ce que c’est le seul CNL qui est au Burundi ? Pourquoi a-t-il pris le large? Pourquoi les gens se cachent-ils derrière les partis politiques lorsqu’ils sont pris en flagrant délit de commission d’un crime?»
Sur la question que ces armes ont été trouvées dans une parcelle de son voisin, l’administrateur botte en touche : «Il faut poser la question à la justice.» Iwacu a cherché le président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH), mais il n’était pas disponible.
Une activiste des droits humains s’indigne de cet emprisonnement d’Aline Ndikumana et de son bébé depuis près de six mois. «C’est une honte pour la justice burundaise. Ils sont en prison, uniquement parce qu’ils sont épouse et fils d’un opposant politique que la police n’a pas pu arrêter». Pour elle, cette condamnation est une autre illustration de l’instrumentalisation de la justice burundaise à des fins politiques. «Je lance un appel à la ministre Aimée Laurentine Kanyana, qui est une mère comme Aline Ndikumana, de mettre fin à cette injustice sans nom en libérant Aline Ndikumana et son bébé».