Médiatiquement lynché sur certains réseaux sociaux, après la diffusion «d’ information» l’accusant de rouler pour l’opposition et d’instaurer une discrimination envers les fidèles proches du parti au pouvoir, le curé de Minago s’est expliqué sur la radio internationale allemande. Verbatim.
Deutsche Welle : selon le site en ligne Ikiriho.bi, vous auriez juré au cours de la messe dominicale d’hier « de ne plus donner les sacrements aux Imbonerakure aussi longtemps que ceux qui ont appelé à voter Non pendant le référendum constitutionnel du 17 mai dernier sont en prison ». Est-ce que vous confirmez.
Abbé Eugène Nimenya Absolument pas. C’est un grand mensonge. On a travesti mon message. Il s’agissait de conseiller, de ramener nos chrétiens à l’ordre. Ils sont entrés dans l’église pendant la célébration. Une poignée de personnes. Elles ont empêché nos chrétiens de faire l’offrande pour aller rendre visite à quelques chrétiens emprisonnés à la prison de Murembwe. Je leur ai dit que ce n’est pas bon pour un chrétien d’empêcher les autres chrétiens, pendant la célébration, de faire un acte de culte qui est traditionnel à l’Eglise selon le message du Christ qui nous a conseillé de visiter les prisonniers, de nourrir les malades , etc. C’est une tradition à laquelle l’Eglise ne peut jamais renoncer et les chrétiens ne peuvent pas empêcher les autres chrétiens pendant la célébration de faire cet acte spirituel qui est très salué par notre fondateur, le Christ.
Donc, vous n’avez jamais juré au cours de la messe dominicale du 27 mai dernier de ne plus donner les sacrements aux Imbonerakure ?
Absolument jamais. Jamais. Jamais au grand jamais. J’ai dit seulement à ceux qui avaient empêché les chrétiens de ne plus le faire. Si jamais ils le refaisaient pendant la messe, à l’intérieur de l’église, je leur ai dit que je vais prendre des sanctions à leur encontre, à l’encontre de quiconque va empêcher nos chrétiens à continuer leurs célébrations liturgiques comme prévues.
On vous a accusé également d’avoir déclaré que la moitié des offrandes des messes que vous avez célébrées sera versée à ces détenus –là. Vous confirmez ?
Oui, je confirme. C’est normal de décider la destination des offrandes surtout pour une bonne œuvre. Ce n’était pas un acte mauvais parce que c’est une bonne œuvre. C’est une œuvre que nous recommande le Christ. J’ai décidé que la moitié des offrandes, ça je confirme, allait secourir ces prisonniers.
Selon le site ikiriho.bi, vous auriez dit : « N’ayez pas peur du Cndd-Fdd, il passera comme sont passés l’Uprona et le parti Sahwanya Frodebu, aujourd’hui ombre d’eux-mêmes ?
Je n’ai jamais tenu de tels propos. Simplement, j’ai dit aux chrétiens, ne vous laissez pas diviser par les partis parce que votre voisinage reste. Un voisin reste, demeure, enfante là, son petit-fils vivra à côté de toi, toute sa descendance restera à côté de toi, c’est lui qui va te secourir, mais les partis politiques ont un délai et la politique ne reste pas stable. Mais le voisin reste le même. N’allez pas vous laisser diviser par les partis. C’est le seul message que j’ai lancé.
Vous n’avez nullement pris position pour une formation politique, c’est ça ?
Absolument pas. Absolument pas. Nous sommes tenus par la neutralité, le devoir de neutralité en politique.
Est-ce que vous trouvez normal, Abbé Eugène Nimenya, les agissements des Imbonerakure que l’ONU considère comme une milice ?
Je n’ai pas à donner ma position personnelle là-dessus. Ceux qui sont habilités à le faire le feront. Mais moi je reste neutre là-dessus. J’observe comme tout le monde.
Mais ! Vous l’avez dit au début de l’interview. Ces jeunes du parti au pouvoir ont fait irruption pendant la messe. Ce sont des actes condamnables non ?
Ce n’étaient pas des jeunes du parti au pouvoir. Peut-être que vous m’avez mal saisi. Il y a des individus, chrétiens et non chrétiens, qui prient dans cette église, qui ont empêché nos chrétiens de vaquer à leur culte. Je n’ai pas dit que ce sont des jeunes du parti. Je ne sais pas, je ne connais pas leur identité. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai dit en général, celui qui va encore une fois empêcher les chrétiens à tenir leurs célébrations liturgiques sera sévèrement sanctionné.
Vous êtes d’accord avec moi que pendant la campagne en vue du référendum du 17 mai, beaucoup de jeunes du Cndd-Fdd, parti au pouvoir, ont traqué des partisans du « Non » au référendum, notamment les opposants ?
J’ai entendu parler de ça, mais je n’ai pas vérifié. Vous savez, nous, nous sommes tenus par la neutralité en matière politique, mais là où nous sommes tenus d’agir, c’est en ce qui concerne les affaires liturgiques religieuses.
Est-ce que les prêtres catholiques burundais se sentent en insécurité parce que pendant la campagne en vue du référendum, l’Eglise a pris une position contre la tenue de ce référendum ? Est-ce que vous vous sentez menacés ?
Je ne me sens nullement menacé. Nullement. Les propos que nous tenons, ce sont des propos que nous pouvons assumer publiquement. Alors si je me sentais menacé, je me serais déjà enfoui. Mais je suis à la paroisse de Minago, je vaque à mes activités comme tout le monde, comme à l’accoutumée. Nous sommes des prophètes. Parfois, nos propos peuvent être travestis, mais c’est le risque, c’est le danger, c’est le risque de chaque jour, on a accepté ça.
Des audios circulent en ce moment sur whatsApp faisant état des menaces qui pèseraient contre vous. Vous en avez entendu parler ?
Non ! De toutes les façons, jusqu’à maintenant, je suis à la paroisse, je n’ai pas eu des menaces directes jusqu’à cette minute parce que je suis sûr que les autorités font leur enquête. Sûrement qu’ils ont déjà trouvé la vérité sur mes propos.
Quel message avez-vous à lancer à vos fidèles catholiques ?
Je voudrais lancer un message d’apaisement et de courage à tous, un message qui parle pour la solidarité et l’unité de notre peuple. Qu’ils restent unis, qu’ils s’aiment, qu’ils continuent à s’aimer. C’est ainsi qu’ils vont lever tous les défis qui leur sont présentés.