Dimanche 09 mars 2025

Politique

8 mars 2025 : Des femmes se disent écartées dans les prochaines élections

8 mars 2025 : Des femmes se disent écartées dans les prochaines élections
« La voix d’une simple commerçante comme moi ne peut pas porter aussi loin pour réclamer les droits des femmes »

Chaque année, le monde entier célèbre la Journée internationale des droits de la femme. Au Burundi, cette célébration tombe à la veille des élections dans lesquelles certaines femmes se disent mises à l’écart. Elles trouvent que c’est une bonne opportunité pour élever la voix. Pour d’autres burundaises, la célébration ne leur amènera rien de spécial dans la mise en place du respect de leurs droits.

A la veille des élections de 2025, la célébration de la Journée internationale des droits de la femme se heurte à beaucoup de questionnements quant à la position de la femme.

Dans la zone Rukaramu de la commune Mutimbuzi dans la province de Bujumbura, certaines femmes indiquent que la journée du 8 mars ne représente rien pour elles car elles ne voient pas la plus-value en ce qui concerne leurs droits. Ces dernières témoignent par exemple qu’elles n’ont pas eu la chance d’être sur les listes pour les prochaines élections législatives.

« Mon mari m’a empêché de me présenter comme candidate aux élections législatives et locales de juin 2025. J’ai essayé de le convaincre en lui montrant que j’en suis capable, mais en vain. Où est-ce que je peux déposer ma plainte ? Nulle part, car il est toujours au-dessus de moi. C’est lui qui a le dernier mot », se désole Candide N.

Chez certains hommes, des raisons ne manquent pas pour expliquer cela. Sous anonymat, l’un parmi les hommes rencontrés affirme en effet que certaines femmes deviennent dominantes lorsqu’elles sont au pouvoir. « Je ne peux pas accepter que ma femme se fasse élire. Je la connais très bien. Elle va devenir ingérable. L’exemple typique est celui de la cheffe du quartier. On voit comment elle traite son mari. Le monsieur n’a plus la parole dans son foyer. Sa femme le traite comme un enfant. Si ma femme décide de se faire élire, elle ne sera plus ma femme. »

Concilie Nihorimbere, exerçant le commerce ambulant rencontrée dans cette même localité trouve elle aussi que la célébration de la journée du 8 mars est inutile aussi longtemps que les femmes qui sont au gouvernement ne plaideront pas en faveur de la femme. Rien ne changera.
« La voix d’une simple commerçante comme moi ne peut pas porter aussi loin pour réclamer les droits des femmes. C’est plutôt les élues députées femmes qui devraient jouer ce rôle. La considération que les maris portent sur leurs femmes devenues députées n’est pas la même que celle que nos maris portent sur nous Les élues du peuple ont la liberté de vivre leurs droits contrairement à nous. »

Rencontrée au centre-ville de Bujumbura, Aline Ndayishimiye, une trentaine, commerçante de chaussures estime que la journée du 8 mars devait représenter la liberté d’expression chez la femme, surtout africaine, qu’on dénigre et qu’on sous-estime dans la société.

« Ces mauvaises mentalités qui minimisent la femme devaient être changées dans notre communauté burundaise. La femme est d’abord une source de vie. En plus de cela, elle peut aider dans le développement du pays. Je profite de cette occasion pour appeler les femmes à augmenter la croyance en elles », souligne-t-elle.

Les droits des femmes sont respectés par le gouvernement mais pas par tous les hommes. Certains hommes et certaines familles bafouent les droits des femmes. « Aujourd’hui, on voit encore des femmes violées physiquement et psychologiquement. Certains époux leur refusent également le droit aux biens de la famille, comme si les biens familiaux ne concernaient que les hommes seulement. »


Réactions

Khadiatou Nzojibwami : « Les femmes ne sont pas de simples spectatrices »

« La coïncidence de la journée internationale des droits des femmes avec l’approche des élections n’est pas un simple hasard mais un rappel fort : les femmes ne sont pas de simples spectatrices. Elles sont actrices du changement. En votant, en s’engageant, en portant leurs voix, les femmes défendent leurs droits et construisent l’avenir », explique Khadiatou Nzojibwami, représentante des femmes « lionnes » du parti de la Démocratie et la Réconciliation, Sangwe-Pader. Elle ajoute que les élections sont une opportunité afin d’exiger des engagements concrets pour l’égalité, la justice et la dignité.

Ainsi, ajoute-t-elle, la célébration du 8 mars cette année, au Burundi, prend une dimension particulière puisqu’elle se déroule dans un contexte électoral. « Les autorités, les partis politiques et les candidates vont sans doute profiter de cette journée pour séduire les femmes qui représentent une part importante de l’électorat. On s’attend à des discours promettant plus de place aux femmes dans les instances de prise de décision. Et peut-être même à des dons symboliques comme les pagnes du 8 mars. Les associations féminines burundaises comptent aussi mettre la pression pour obtenir des engagements concrets sur l’égalité de genre et la lutte contre les violences faites aux femmes. »
Pour cette femme politique, le 8 mars est un rappel des droits des femmes mais aussi une occasion de lutter. « Nous réclamons plus qu’une célébration. Nous exigeons des actes concrets pour notre place dans la société, la politique et la succession. Les promesses passent, nos droits restent oubliés. Cette fois, nous voulons des engagements sérieux et suivis. Les femmes ne sont plus là pour applaudir. Elles sont là pour décider. Ensemble, faisons du 8 mars une voix forte dans les urnes et dans la société. »
L’enthousiasme et l’engouement autour de la journée internationale des droits des femmes restent présents mais avec quelques nuances. « Cependant, on remarque aussi que certaines voix critiques émergent. Elles pointent parfois la récupération politique de cet événement ou le fait que les célébrations prennent parfois le dessus sur les débats de fond sur les vrais défis que rencontrent les femmes burundaises : accès à l’éducation, lutte contre les violences basées sur le genre, autonomisation économique réelle, etc. »
Elle appelle à une réflexion sur l’importance d’aller au-delà des festivités en posant des actions concrètes.

Carine Kanderi : « La voix des femmes ne doit pas seulement résonner dans les célébrations »


Carine Kanderi est entrepreneuse dans le domaine artistique. Elle estime que la voix des femmes ne doit pas seulement résonner dans les célébrations, mais aussi dans les décisions. « Alors que le Burundi célèbrera la Journée internationale des droits des femmes et se prépare à choisir son avenir à travers les élections, rappelons-nous que l’avenir d’une nation se construit avec toutes ses forces vives. »

Elle rappelle enfin aux femmes burundaises que leur place est dans la gouvernance, dans la société civile, dans chaque espace où se décide l’avenir du pays. « Engagez-vous ! Osez prendre la parole ! Faites entendre votre voix ! Le progrès du Burundi passe par vous. »

Marie-Chantal Ndayishimiye : « Les premières victimes des tensions sont toujours des femmes et des enfants »

Marie-Chantal Ndayishimiye, présidente de la Ligue des femmes du parti Frodebu trouve que la Ceni doit organiser des élections libres, transparentes et apaisées. Sinon, des tensions, des violences peuvent se produire. « Les premières victimes sont toujours les femmes et les enfants. Pour pallier cela en cette période post-électorale, les femmes doivent jouer leur rôle de catalyseur de la paix et de la cohésion sociale dans les communautés.»

En outre, elle préconise que les prochaines élections aboutissent aux institutions qui mettent en place des programmes favorisant davantage la promotion de la femme dans tous les secteurs de la vie nationale. « Pour que la femme puisse jouir de ses droits, les dirigeants du pays devraient prôner l’égalité sociale, la représentation effective et le rôle de la femme dans la société. », indique-t-elle

« La discrimination sociale, le sexisme et les préjugés persistent dans la société burundaise et restent entiers particulièrement sur le droit à la succession », renchérit Marie Chantal Ndayishimiye. Elle craint que leurs réclamations ne puissent pas aboutir aux résultats positifs. « Malgré cela, j’ai de l’espoir qu’avec les nouvelles institutions issues des prochaines élections, la loi sur la succession sera votée, promulguée et soumise à l’exécution », poursuit-elle.

Elle souhaite que la parité genre dans les postes de prise de décision soit une réalité au Burundi. Elle souhaite aussi un réel progrès dans l’autonomisation économique de la femme.
Pour elle, l’engouement n’est pas au bon fixe par rapport aux autres années. Le contexte politique n’est pas encourageant selon elle. « Cette préparation des élections qui n’est pas inclusive et la situation sécuritaire dans la sous-région peuvent impacter négativement la vie des citoyens si on ne tire pas attention », estime-t-elle. Elle avoue aussi que la vie chère a des effets néfastes sur la vie des populations.

Cécile Nshimirimana : « Le droit à la succession pour les femmes ne devrait pas faire objet de réclamation »


Cécile Nshimirimana, présidente du parti Florina, trouve que la représentativité au sein de son parti a été respectée : « Dans mon parti le Florina, 40 % des femmes se sont fait inscrire dans la liste des électeurs ». Elle apprécie les élections de cette année et estime qu’elles sont caractérisées par une forte représentativité de la femme en général.

Sur la question de la succession, elle estime que le droit à la succession pour les femmes ne devrait pas faire objet de réclamation.

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