<doc4623|left>Dans un article intitulé : "50 ans d’indépendance, quel bilan?" Publié le 26 février 2012 sur un site confrère, j’ai proposé à mes compatriotes de s’interroger sur le bilan de notre gestion du Burundi indépendant. Dans cet article je déplorais le degré de délabrement de l’espace public au Burundi: l’école, la santé, l’administration. Mon interrogation reste permanente : quel pays allons-nous léguer aux futures générations si nous continuons sur la même tendance ?
Afin de ne pas rester sur des impressions qui peuvent être subjectives, j’ai voulu savoir ce que disent les chiffres du développement. Mes sources sont publiques et chacun peut les consulter. Je conseille à ceux qui veulent pousser plus loin la réflexion à consulter le site [http://www.gapminder.org/->http://www.gapminder.org/]. Même ceux qui sont fâchés avec les statistiques peuvent naviguer facilement dans les données telles qu’elles sont présentées. Sur ce site le Professeur Hans Rosling, guru des statistiques du développement, présente d’une façon simple et presque ludique des données complexes sur le développement des pays du monde entier.
En quelques minutes et sur une seule page on peut dérouler comme dans une vidéo des statistiques des pays du monde entiers sur plusieurs années. Une performance qui ailleurs demanderait des journées entières pour compiler et plusieurs pages pour présenter. Ce site s’appuie sur des données des Nations-unies : PNUD, OMS, Transparency International, Banque Mondiale, OCDE, etc. Un mode d’emploi explique l’utilisation de cet outil. Je recommande ce site surtout aux économistes du développement.
Pour qui veut analyser les données du développement en profondeur, le site offre un panorama assez large d’indicateurs de développement. Chacun peut choisir quel indicateur il veut étudier. Pour ma part, j’ai mis l’accent sur le revenu par tête d’habitant et l’indice de perception de la corruption. Revenu par tête d’habitant de 1962 à aujourd’hui : des chiffres à vous donner des maux de têtes.
L’année 2012 étant en cours, les chiffres disponibles s’arrêtent à l’année 2011. Le Burundi est passé d’un revenu par tête d’habitant de $355 en 1962 à celui de $484 en 2011. Ce qui représente une croissance de 36%, ce qui équivaut à moins de la moitié de la croissance moyenne des pays voisins. Sur la même période, le Rwanda voisin est passé de $525 à $1124 soit 114% de croissance.
On en vient à douter des chiffres, tellement ils sont désolants : le revenu par tête d’habitant du Burundi en 2011 est inférieur à celui qu’avait le Rwanda voisin à l’indépendance à savoir $525! Durant les cinquante dernières années, tous les pays de la région à l’exception de notre cher pays et du Congo démocratique ont pratiquement doublé leur revenu par tête d’habitant. La Tanzanie, l’Uganda, le Malawi ont respectivement connu une croissance de 87% ; 67% et 102%. Pour comparaison, la Chine est passée d’un revenu par tête d’habitant de $485 en 1962 à $8848 en 2011, ce qui représente une croissance vertigineuse de 1732% !
1991 : l’année du record. Depuis, le revenu par tête d’habitant a baissé de 40%.
L’idéal pour chaque pays serait que le plus haut niveau de revenu jamais atteint corresponde à celui de l’année en cours ce qui signifierait qu’il y a croissance chaque année et que le meilleur est à venir. C’est le cas pour notre voisin de référence qui affiche aujourd’hui un niveau qu’il n’avait jamais atteint et tout indique que ça sera même encore mieux dans un proche avenir. Malheureusement pour le Burundi, le plus haut niveau de revenu par tête d’habitant jamais atteint date de 1991, il s’élevait à $647. Cette année là, l’écart avec le Rwanda était seulement de $62. Aujourd’hui l’écart est devenu un gouffre de $640 par tête d’habitant! En 20 ans, le revenu par tête d’habitant a baissé de près de 40%.
Un retour vers le passé ?
En matière de développement le Burundi semble faire une expérience de voyage dans le temps. Le revenu par tête d’habitant de 2011 ($484) est équivalent à un dollar près à celui de 1970 ($483) ! Comme si le Burundi de 2011 était revenu 40 ans en arrière.
Depuis 2005, période correspondant à l’arrivée d’un pouvoir élu, les choses ne s’améliorent pas. Sur cette période la croissance du revenu par tête d’habitant n’a cru que de 15 % (de $420 à $484). Comparée celle de la Tanzanie (35% : de $1018 à $1384) ; du Rwanda (38% : de $813 à $1124) ; de l’Uganda (28% : de $991 à $1278) et même de la RDC (17% : de $330 à $387), Le Burundi affiche la pire performance régionale.
Quid de la corruption ?
Depuis 1995, Transparency International documente des chiffres sur la corruption et dresse chaque année un palmarès de la corruption des états. La CPI (Corruption Perception Index) est un indice qui évalue le degré de corruption de presque tous les pays du monde. La note CPI va de 0 à 10. Plus l’indice CPI d’un pays est proche de 0, pire est la corruption. Sans surprise le Burundi est parmi les pays les plus corrompus. De 2005 à 2011, la CPI du Burundi est passé de 2,3 (130 ème rang sur 158) à 1,9 (172 ème sur 182) ce qui montre une corruption de plus en plus forte. Sur la même période, le Rwanda, parmi les meilleurs pays africains, est passé d’une note de 3,1, le 83ème rang mondial à une note de 5 et siège au 49ème rang mondial. La corruption n’explique pas tout, mais les chiffres démontrent une corrélation forte entre le niveau de corruption et le peu de performance sur le plan économique.
Changer de cap : une nécessité vitale !
Les chiffres sont désolants mais elles traduisent la réalité que vivent au quotidien un nombre de plus en plus grand de nos compatriotes. Il faut absolument que le Burundi change de trajectoire du développement parce que celui suivi jusqu’à aujourd’hui appauvrit la majorité des Burundais au moment où tous les citoyens des pays voisins voient leur sort s’améliorer. C’est à cette seule condition que les 50 prochaines années seront meilleures que celles que nous venons de passer en tant que pays indépendant.