L’économiste burundais aujourd’hui consultant en Afrique de l’Ouest, a participé au colloque sur le cinquantième anniversaire de l’Indépendance qui s’est tenu à Bruxelles. Il nous retrace les opportunités et défis analysés par les spécialistes.
<doc4306|left>Le numéro du 14 juin 2012 d’International Herald Tribune vient nous rappeler que le premier ministre de l’époque, André Muhirwa, avait demandé aux Nations-Unies le départ immédiat des troupes belges au Burundi. Ce qui fut fait dès le 30 juin 1962. En outre, la révision annoncée du procès des assassins du prince Louis Rwagasore aggravait une situation déjà tendue. Voilà le contexte historique au moment où le Burundi accédait à la souveraineté.
Aussi loin que remontent mes souvenirs de jeune adolescent de 14 ans, lorsque le drapeau burundais fut hissé ce premier juillet 1962, en fin de matinée, l’Ambassadeur Henniquiau fut le seul représentant de haut niveau du Royaume de Belgique, écoutant le discours du Vice-Premier Ministre Pierre Ngendandumwe au nouveau stade Rwagasore construit à la hâte. Il y avait ce jour-là, une certaine joie mêlée d’une triste mélancolie car celui qui s’était battu pour l’indépendance n’était plus là pour la célébrer avec son peuple.
Le colloque de Bruxelles, organisé le 8 juin par l’Institut Royal des Relations Internationales au Palais d’Egmont, sur le cinquantième anniversaire de l’Indépendance du Burundi fut l’occasion de tourner un regard rétrospectif sur l’histoire des 50 dernières années. Sans s’appesantir sur les zones d’ombre, les animateurs du Colloque ont voulu projeter le Burundi sur l’avenir à partir de deux thèmes : gouvernance, opportunités et défis sociaux et économiques.
La population burundaise va doubler en 30 ans
Des chercheurs des universités de Gand, Floride et Anvers, qui ont mené des travaux sur notre pays, ont présenté leurs travaux. Une certaine convergence de vue s’en est dégagée. Le renforcement de la gouvernance des institutions politiques est la condition nécessaire, sans être suffisante, pour résoudre les immenses défis que devront affronter la classe politique et les élites intellectuelles du pays au cours des prochaines années.
La problématique foncière et l’emploi des jeunes a retenu l’attention des spécialistes. Selon toute probabilité, la population burundaise va doubler en 30 ans pour passer de dix à vingt millions. Idem pour la population de l’Afrique subsaharienne qui s’élèvera à 2 milliards d’habitants dont 30% (600 millions) seront de jeunes de la tranche comprise entre 18-35 ans à la recherche d’emploi. Le chômage dans cette tranche frôle les 60%. Point n’est besoin d’être un spécialiste en démographie pour constater que la classe politique devra faire preuve d’imagination pour mettre en place une vision stratégique pour détourner le Burundi de la voie apocalyptique.
Créer un fonds pour investir dans des projets
Les solutions existent, en commençant par l’exploitation rationnelle et équitable des ressources minières telles que le nickel et les métaux associés. En développant aussi l’agriculture avec des techniques innovatrices et engrais appropriés. Pour la création des emplois des jeunes à travers la mise en place d’un réseau de PME et de micro-entreprises. L’Association Burundaise des Banques et Etablissements Financiers (ABEF) avait lancé une idée innovante qui n’a pas encore retenu à ce jour l’attention des décideurs politiques burundais : créer un fonds pour investir dans des projets de longue maturité avec des ressources longues qui viendraient essentiellement d’un prélèvement des profits des banques commerciales, d’une taxe additionnelle sur les télécommunications et d’un droit d’accise sur la bière.
Ce fonds doit, d’abord, mobiliser les ressources publiques, pour ensuite s’adresser aux bailleurs traditionnels. Mais pour que ce fonds puisse atteindre ses objectifs avec efficience, il faut confier sa gestion à des sociétés spécialisées dans le capital risque. C’est d’ailleurs la condition qu’exigeraient les partenaires étrangers dont on souhaite ultérieurement l’entrée dans le capital pour accroitre les moyens d’action de ce fonds. La Belgique, dont l’économie repose sur un maillage des PME extrêmement dynamiques, pourrait mettre à la disposition du Burundi une assistance technique.
La deuxième condition pour accroître la croissance économique est d’attirer les investissements directs étrangers pour exploiter les richesses minières et agricoles du Burundi en continuant à améliorer le climat des affaires. Certes, le gouvernement a fait des progrès remarquables dans Doing Business 2012 en gagnant quelques dizaines de places dans le classement général. Il doit continuer, cependant, ses efforts pour faire du Burundi un lieu de destination privilégiée pour les investisseurs internationaux susceptibles de créer des emplois à grande échelle. Le Burundi est à la croisée des chemins pour les prochaines années, mais le temps est compté pour les Burundais qui doivent se mobiliser sans tarder, en faisant appel à cette autre ressource méconnue qui s’appelle la diaspora.
La diaspora burundaise, éparpillée dans le monde, compte actuellement des cadres professionnels de haut niveau qu’elle pourra mettre à la disposition du pays, à l’avenir. Il est donc important mener des enquêtes pour pouvoir les recenser à l’instar des pays de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Togo, Burkina Faso) où la contribution des diverses diasporas nationales est proche de 10% du produit intérieur brut (PIB). Elle pourra jouer un rôle considérable dans l’économie du pays sous forme de transfert des ressources financières pour les investissements dans le pays, contribuant ainsi à une prospérité durable et à la réduction de la pauvreté.