Le phénomène de l’enrichissement illicite au Burundi a atteint un degré inquiétant qui menace tout l’édifice construit en 49 ans d’indépendance. Il est plus que temps de changer de comportement.
Une simple observation nous fait découvrir la réalité du quotidien des Burundais : chômage, inflation inquiétante, problèmes structurels de croissance économique, surpopulation avec exigüité des terres, etc. Le pays est encore sous perfusion des financements extérieurs tandis que l’image qu’il offre à l’étranger est celle d’un pays à la traîne dans plusieurs domaines.
Mais la situation est plus inquiétante encore. D’une part, une partie de nos compatriotes aux esprits égarés continuent à s’enrichir illicitement et de façon extravagante, sur le dos de la majorité des Burundais. D’autre part, par ignorance ou résignation, la société burundaise s’accommode de cette situation honteuse et déshonorante.
Des preuves irréfutables
Dans le temps, de nouveaux quartiers naissaient avec la participation des sociétés publiques. Et des maisons construites sous le régime de location-vente permettaient à la classe moyenne d’accéder à un habitant décent. Mais actuellement, des maisons construites avec un luxe qui frise l’insolence poussent comme des champignons, une personne pouvant avoir une villa dans chaque nouveau quartier.
L’on peut se demander qui finance la construction de toutes ces villas dans les nouveaux quartiers de Kigobe, Gasekebuye, Sororezo, Kajaga ou Carama. Le secteur financier Burundais ne peut pas, en effet, se targuer d’avoir financé ces constructions, car il est largement constitué par les banques commerciales. Or, selon les chiffres actuels de la banque centrale, le secteur financier burundais ne finance le logement qu’à hauteur de moins de 5%, et cela depuis des années.
Connaissant la capacité des salaires-pratiqués au Burundi-par rapport à la valeur de ces édifices, chaque citoyen peut constater l’origine illicite de cet argent.
Des pratiques lourdes de conséquences
Des sommes énormes échappent au trésor public, alors que l’Etat est désespérément à court d’argent. Ces fonds sont immobilisés, car orientés directement dans des secteurs non rentables. Et la classe moyenne disparait progressivement.
Lorsqu’un burundais sans chantier n’a plus de valeur, l’absence d’enquêtes et l’impunité dont jouissent les auteurs de pareils actes ne peut qu’encourager la corruption. Et plus il y a de ces cas, plus les corrupteurs ont de force. L’image du pays en est aussi ternie. Par voie de conséquence, le tarissement des financements devient une menace réelle pour le pays. Tandis que la jeunesse n’a plus de référence sur le terrain des valeurs. C’est dire donc que si rien n’est fait, le peuple va se mourir lentement mais sûrement.
Des causes insoupçonnées
De même que la conscience collective des Burundais garde un silence révoltant en tolérant l’enrichissement, de même le régime législatif est tolérant. Car la loi anticorruption n’est pas suffisamment claire en ce qui concerne l’enrichissement illicite. Si bien que ce crime est rarement puni.
Le régime législatif est aussi réputé favorisant. Ainsi par exemple, l’ordonnance ministérielle n° 878 du 7/6/2010 de la ministre des finances sur les exonérations crée du désordre en matière de fuites du trésor. Et du coup, laquelle les exonérations sont devenues exagérées.
Il y a enfin la complicité des banques : elles peuvent commettre des erreurs en faisant des acrobaties pour justifier, par crédit bancaire fictif, l’origine de certains biens mal acquis. Cela devient du blanchiment d’argent pur et simple.
Voilà autant de motifs pour inviter les Burundais à changer de comportement, notamment en moralisant la société. Et cela passe, entre autres, par la lutte contre l’enrichissement illicite. Ce qui fait aussi partie de la consolidation de l’indépendance nationale.