Le 31 octobre 2024, Bujumbura accueille le 23e Sommet du COMESA, un événement majeur pour le Burundi. Selon l’économiste André Nikwigize, c’est une chance précieuse pour le pays, qui voit rarement des conférences de cette envergure en raison de défis politiques et logistiques. Pour lui, l’accent doit être mis sur la restauration de la paix et la facilitation des échanges commerciaux, car un commerce régional efficace nécessite un climat de paix durable, à la fois national et régional.
Un grand événement pour le Burundi ?
Bien sûr. Ceci justifie le fait que le gouvernement ait déployé d’importants moyens pour nettoyer la ville, améliorer sa présentation, renforcer la sécurité, et même camoufler la mauvaise image que les étrangers ont du Burundi. Bref, il y a eu une préparation minutieuse.
Une aubaine…
Au-delà de la parure et de quelques bénéfices que peut générer une telle conférence de dimension internationale pour le pays à savoir quelques devises, occupation d’hôtels, tourisme, rencontres diverses de haut niveau, cette conférence devrait amener les autorités burundaises à s’interroger sur les leçons à tirer de cette conférence.
Et surtout, comment au travers des discours, présentations et autres rencontres, de réfléchir sur les stratégies appropriées pour que le Burundi participe effectivement, à la construction du Marché Commun en Afrique Orientale et australe. Comment lever les obstacles qui empêchent le Burundi d’être réellement un acteur de l’intégration régionale du COMESA.
Pour vous, le Burundi ne participe pas à l’intégration régionale du COMESA ?
Comme on le sait, le COMESA s’est fixé des objectifs d’intégration et de coopération régionales dans des domaines variés, dont : « le commerce, les douanes et affaires monétaires, le transport, les communications et l’information, la technologie, l’énergie et l’industrie, ainsi que le genre, l’agriculture, l’environnement et les ressources naturelles ».
A ce jour, on ne peut pas dire que le Burundi participe activement dans la réalisation de ces objectifs d’intégration et de coopération régionale. En plus du fait que le Burundi soit importateur net de la région COMESA, plusieurs autres obstacles empêchent le pays de tirer profit de ce vaste marché de 21 pays membres qui abritent plus de 650 millions de consommateurs.
Quels sont ces obstacles ?
J’en citerai uniquement deux : la paix et la stabilité, et la facilitation des affaires.
Il ne peut y avoir d’intégration ou de coopération régionale sans la paix et la stabilité. Depuis plusieurs années, le Burundi fait face à des conflits politiques, qui ont généré des massacres, violences, exclusions, fermeture de l’espace politique et civique, emprisonnements, disparitions et exécutions extrajudiciaires et autres exils forcés.
Ces événements ont fait du Burundi un pays en guerre permanente. Cette situation politique d’instabilité et de non-paix a eu un impact sur les activités économiques. La croissance économique est presque nulle depuis des années, la production agricole a fortement baissé, y compris les productions d’exportations, les industries ont fait faillite, tandis que les investisseurs étrangers n’osent pas apporter leurs capitaux dans ce pays, dont les institutions ne protègent pas les investissements, avec une corruption devenue endémique.
A la suite des violences intenses en 2015, l’Union européenne, principal partenaire du Burundi, et d’autres institutions partenaires avaient décidé de prendre des sanctions contre le Burundi et de suspendre ou réduire l’aide directe à l’Etat, tout en maintenant l’aide humanitaire d’urgence.
En février 2022, les sanctions contre le Burundi avaient été levées dans l’objectif d’amorcer les discussions avec le nouveau pouvoir pour la restauration de la paix et l’amorce d’un dialogue politique avec l’opposition, en vue de définir une plateforme commune pour la relance de la démocratie. Compte tenu du fait que les violations des droits de l’homme ont continué, l’Union européenne a continué à maintenir les restrictions envers le régime et quelques individus du système.
Récemment, en ce mois d’octobre 2024, l’Union européenne vient de proroger ces restrictions jusqu’au 31 octobre 2025, dans l’espoir que le gouvernement cessera les violations des droits de l’homme et qu’il entamera des pourparlers avec l’opposition et la société civile.
Quel est l’impact de cette mesure ?
Cette mesure aura un impact négatif sur la confiance qu’auront les pays membres de l’Union européenne, les hommes d’affaires, ainsi que les institutions internationales qui financent les programmes de développement au Burundi. La décision de l’Union européenne intervient quelques jours après celle du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies de prolonger le mandat du Rapporteur Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies sur les Droits de l’Homme au Burundi pour une année supplémentaire, jusqu’en octobre 2025.
Parlons du climat au sein du COMESA ?
Au niveau régional, des tensions politiques se sont développées ces dernières années avec le Rwanda, pays voisin du Burundi. Elles ont abouti à la fermeture des frontières avec ce pays, avec des impacts négatifs, non seulement sur les échanges commerciaux et le mouvement de personnes entre le Burundi et le Rwanda, mais également, les échanges par route avec les pays devant transiter par le Rwanda, tel l’Ouganda, le Kenya et une partie du trafic avec la République Démocratique du Congo. Sans parler des tensions politiques dans la sous-région qui ne peuvent pas faciliter l’intégration et la coopération régionale entre le Burundi et ses voisins.
Qu’est-ce qui peut favoriser cette intégration ?
Il faut un environnement institutionnel qui favorise les affaires. La promotion du commerce régional devrait être accompagnée par une paix durable tant au niveau national qu’avec les voisins. En plus des contraintes politiques mentionnées ci-haut, le Burundi souffre de contraintes structurelles, qui l’empêchent de tirer un maximum d’énormes possibilités qu’offre le commerce intrarégional.
Pour qu’il y ait l’existence d’un commerce régional, les Etats signataires du Protocole du COMESA sur la libre circulation des personnes, de la main-d’œuvre et des services et le droit d’établissement et de résidence doivent, tous, l’appliquer. Enfin, le commerce régional ou international suppose l’existence d’un secteur privé dynamique, qui produit, collecte, transforme et vend des produits sur les marchés.
Ce n’est pas le cas pour le Burundi ?
Au Burundi, l’investissement privé représente, à peine, 13 % du PIB, tandis que les investissements directs étrangers ne s’élèvent qu’à 29 millions de dollars en 2023. Un montant très faible, comparé aux investissements étrangers dans les autres pays de la communauté. C’est-à-dire que le secteur privé, national et étranger, est très faible au Burundi.
Quelles sont les principales contraintes ?
On peut relever, notamment, 3 contraintes majeures, à savoir : la liberté des affaires, l’accès à l’électricité et l’accès à Internet.
Concernant la Liberté des affaires, l’ONG américaine Heritage, qui mesure l’Index de Liberté Economique dans le monde 2024, sur base de 12 critères quantitatifs et qualitatifs, a attribué au Burundi la Note de 38 %, taux le plus bas de la région COMESA, après le Soudan (34 %) et ex æquo avec le Zimbabwe (38 %). Un si bas indice de liberté économique indique que les systèmes réglementaires et institutionnels en place au Burundi ne favorisent pas les affaires dans le pays. Les obstacles énumérés varient de l’état de droit à l’efficience de l’administration et du système judiciaire en passant par la réglementation des marchés, etc.
Parlons de l’accès à l’électricité. Au Burundi, seulement 10 % de la population ont accès à l’électricité, sans oublier les délestages réguliers. Ce niveau d’accessibilité à l’énergie n’encourage pas les investisseurs à venir investir au Burundi.
De plus, l’Accès à Internet fait aussi défaut. Dans le monde moderne, le commerce rime avec économie numérique. Au Burundi, seulement 11 % de la population a accès aux services internet, tandis que dans les zones rurales, seulement 2 % peuvent avoir accès à ce service.
Et enfin, les Investissements Directs Etrangers. C’est, entre autres, les trois critères ci-haut cités qui motivent un investisseur à apporter ses capitaux dans un pays. La place qu’occupe le Burundi est loin d’être attractive des investisseurs privés, ce qui justifie les faibles investissements directs reçus par le pays.
Un message pour le gouvernement du Burundi ?
Le principe qu’« il n’y a pas de développement durable sans la paix » s’applique dans tous les cas. Pour le cas du COMESA, aussi longtemps que les pays ne seront pas en paix avec leurs peuples et avec leurs voisins, les objectifs de promotion de commerce, de coopération et d’intégration régionale resteront des vœux pieux. Le cas du Burundi en est l’illustration. Pouvons-nous espérer que ce sommet puisse servir aux autorités burundaises pour apprendre des expériences des autres pays qui émergent de la pauvreté et s’acheminent progressivement vers la prospérité ?
Propos recueillis par Fabrice Manirakiza
Je connais un burundais dont je tais le nom qui a choisi d’investir au Sénégal plusieurs milliers d’euro . Il y a construit un hotel 4 étoiles et deux supermarchés. Ca dit beaucoup . Lorsqu’on a la chance d’avoir un peu d’argent pour investir , on ne le fait que dans un pays ou les chances de le fructifier sont réels . Que se passe t il au Burundi ? On y amène son argent et on est poussé à partager l’actionariat avec quelqu’un proche du pouvoir ? Ou on est obligé de payer un pourboire à chaque étape. C’est tout simplement invivable.
A voir ce tableau, et meme si nos dirigeants appelent les burundais (vivant au pays ou dans la diaspora) a faire des investissements « patriotiques » (theoriquement) certains burundais pourraient choisir d’emmener leurs capitaux la ou le climat d’affaires est beaucoup meilleur que celui du Burundi: Ile Maurice (72%), Seychelles (60%), Kenya (54%), Rwanda (52%),…
D’ailleurs il y a des dizaines ou des centaines de burundais qui font leurs affaires en Zambie et au Mozambique. Et dans le passe j’ai entendu parle de transporteurs burundais qui font enregistrer leurs lourds camions en Tanzanie.
LES BURUNDAIS ONT BESOIN DE PLUS DE LIBERTE DE FAIRE DES AFFAIRES.
le Burundi est classé parmi les pays les moins avancées est influencée par histoire des conflits,économie fragilisée,changements climatiques,corruption et gouvernance,la mauvaise gestion des ressources publiques sont des obstacles au développement.