Dimanche 24 novembre 2024

Opinions

13 octobre 1961 & 21 octobre 1993 : qu’a-t-il manqué ?

D’aussi bons augures

Dans les années 60 tout comme dans les années 90, les choses commencent comme dans un rêve : les leaders politiques s’embrassent, jurent par tous les dieux leur attachement à la paix, leur dévotion aux valeurs de démocratie et la promesse de jouer le jeu politique en tout bien tout honneur.

En date du 15 juillet 1960, La Dépêche du Ruanda-Urundi publie un numéro spécial contenant uniquement un communiqué conjoint du prince Louis Rwagasore, leader de l’Uprona (Unité et Progrès National) et du Muganwa Joseph Biroli président du PDC (Parti Démocrate Chrétien). Ils y déclarent leur volonté d’exercer le jeu politique dans la paix, la fraternité et le respect des valeurs de la civilisation qui les a portés. Ils disent vouloir:

« (…) créer au cœur de l’Afrique un îlot de paix, de tranquillité et de prospérité. »

En date du 10 juillet 1993, comme un remake, deux leaders politiques vont s’embrasser et promettre respectivement au peuple burundais et au monde qui les regardent de s’appuyer mutuellement pour consolider la démocratie naissante au Burundi.
En 1960 tout comme en 1993 rien ne pouvait laisser entrevoir des périls aussi graves en perspective. Et pourtant…

Des lendemains qui déchantent

A peine le communiqué conjoint publié, le prince Louis Rwagasore ne va pas tarder à connaître la prison avant d’être abattu par ceux à qui il avait tendu une main fraternelle pour construire ensemble le pays. Depuis, le pays n’a jamais plus arrêté sa descente aux enfers ; les gouvernements se sont succédé à une cadence infernale et le plus souvent ponctuée par des assassinats politiques des plus hauts dirigeants du pays. Des massacres interethniques ont jalonné l’histoire d’un pays courbé sous le joug de dictatures militaires.

En 1993, le souvenir merveilleux de la passation de pouvoir encore dans les esprits et les cœurs des gens fut brutalement effacé par le bruit des canons et des bottes. Le président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, devait être assassiné par son armée et cette même armée devait ramener par la force et le cynisme Pierre Buyoya trois ans plus tard… Le pays devait connaître dix ans de guerre comme il n’en avait jamais vécu dans toute son histoire multiséculaire.

Qu’a-t-il manqué ?

Qu’a-t-il manqué en effet en 1961 et en 1993 ? Pourquoi a-t-on assassiné les leaders qui portaient les espoirs de tout un peuple ? Pourquoi tant de haine au point de ne souhaiter que l’annihilation de l’Autre comme seul futur envisageable ?

Si aujourd’hui, nos leaders politiques sont incapables de penser demain avec leurs adversaires ; d’imaginer la paix sans être nécessairement au pouvoir, les mêmes causes d’hier risquent de produire les mêmes effets.

Forum des lecteurs d'Iwacu

18 réactions
  1. Terimbere

    @ J-PK
    Pourquoi alors la deshumanisation n’a pas atteint Nyabihanga?
    Je pense que vous etes en train de chercher une bonne solution a un faux probleme!
    Acceptez avec moi que c’est le travail du Roi Mwambutsa qui a sauve des vies a la mort de Rwagasore et c’est le travail de Mutama Pie Ndandaye qui a sauve des vies a Nyabihanga, sa voix ne pouvant pas aller plus loin comme celle du Roi.
    Le Bureau politique du Frodebu, etait l’organe qui devrait le faire, et on sait ce qu’il a fait!
    Je pense que la guerre civile nous a ete imposee de l’exterieur!
    Comprenez-moi, je ne nie pas l’existence des problemes sociaux, des divisions ethniques et regionaux, mais tous ces problemes pouvaient etre resolus par une bonne gouvernance imposee par un pouvoir legitime!

    • afrique

      Je ne crois pas que ce que tu dis est logique.
      Ce pouvoir légitime dont tu parles avait été décapité. Le peu de gens qui était rescapé était en fuite, pourchassé par toute une armée en furie.

      Je me demande de quelle pouvoir tu parles alors, celui des putschistes peut-être?

  2. Verkindere Peter

    Jean-Marie Ngendahayo, tu seras maudit par tes ancêtres et toute ta famille… Honte à toi pour tenir de tels propos sur ta famille….

    • Jean-Marie Ngendahayo

      Cher Verkindere Peter,
      Aimer ou même vénérer sa famille et les siens ne devrait pas nous exonérer de reconnaître ce qu’ils ou elles ont fait de bien ou de mal. C’est peut-être une des tragédies du Burundi et de l’Afrique: lorsqu’on est confronté à la dure réalité de l’histoire au sujet de turpitudes des siens, on perd toute capacité d’analyse et toute lucidité.

      Si je devais être maudit par mes ancêtres pour vouloir contribuer à trouver la vérité dans les tragédies qui ont endeuillé notre histoire, alors j’accepterais ce sort sans réchigner. Mais je crois savoir que ce sont ces mêmes ancêtres qui nous enseignent la sagesse suivante:
      « Ukuri guca mu ziko ntigusha! » (La vérité passé à travers le feu mais ne change jamais de nature)

      Bien à vous

  3. Theus Nahaga

    Je dois avouer que cette manie de vouloir nommer Ndadaye chaquefois que l’on nomme Rwagasore commence à sentir le ranci. Rwagasore répond à son époque, Ndadaye au sien. Le Burundi dr 1960 est autre que le celui de 1990. Je rapporte ici cette remarque publiée par le joppiurnal Ndogozi la veille des élections de 1993: « Abanyarwanda bazotegerezwa kutuvira kw-isahani, ncanke bazobona ivyabone Abayahudi m-Ubudagi. »
    D’après Ndogozi, cette phrase fut dite par Ndadaye. Rwagasore n’ a jamais dit une telle phrase et le Burundi de 1960 n’était pas encore mûr pour un tel manque d’humanité.
    De grâce donc Mr Ngendahayo, laissez Rwagasore rester Rwagasore et Ndadaye devra être considéré en Ndadaye seul.

    • Abdoul

      Journal Ndongozi Numero combien?

      • Theus Nahaga

        Je ne saurais plus vous dire le numéro du journal. J’ai perdu l’article au courant de me pérégrinations, mais j’éspère le journal a encore ses archives. L’article fut publié lors de la campagne présidentielle de 1993. Je me souviens très bien que j’avais alors fait remarqué aux copains que cette phrase pouvait conduire Ndadaye devant un tribunal en Europe

    • Jean-Marie Ngendahayo

      A l’adresse de Theus Ntahaga,
      C’est précisément ce genre de médisances fondées sur absolument rien qui ont péverti toute une generation de jeunes, qui ont entraîné des foules à tuer pensant le faire avant qu’elles ne soient tuées ells-mêmes.
      Dites ce que vous pouvez prouver, sinon ce que vous faites est purement et simplement moralement criminel.

      Bien à vous

      • abdoul

        Mr Theus Nahaga, si tu as perdu le journal en question, NDONGOZI est toujours là et a certainement des archives. Si tu es convaincu que ce que tu dit est vrai, cherche ce numéro et amène-le nous(Je suis sur qu’alors IWACU en fera tout un article) et nous te remercierons car tu nous aura évité de célébrer un faux héro.

        Si non, si tu es sûr que le journal en question est imaginaire, alors présente tout de suite des excuses à tous les lecteurs d’IWACU car ce que tu dit est grave!Si tel est le cas, abstiens-toi à l’avenir ce genre de discours car ils sont porteurs de haine, de sang et de larmes

  4. Ntawobikira

    Karabaye uguye kw’ijambo kabisa.
    Ahubwo baramutebeje… Ubwanwa bwafuse umunwa pe!

  5. Karabaye

    Jean Marie ngendahayo akwiye gucibwa mu muryango avukamwo.

  6. Amani

    Ceux qui ont assassiné sauvagement Rwagasore, Ndadaye et Ntare V sont tous considérés comme ennemis premiers du Burundi et de son Peuple, et puis ils obéissent tous à un et un seul Chef du nom de SATAN. Rero, si ubwoko «Hutu» canke ubwoko «Tutsi» et encore moins un parti politique qui massacre des gens paisibles et innocents au Burundi, mais c’est bel et bien et toujours des anti-démocrates qui s’adonnent à de tels crimes odieux. Ceux qui ont assassiné les bonnes soeurs italiennes et ces cadavres de Rweru, sont TOUS des anti-démocrates au même titre que ceux-là mêmes qui continuent d’envahir et d’attaquer la population de Gihanga. Abo bose tugomba kubahasha sérieusement, et le Gouvernement en premier!!!…

  7. Anne Gatoni

    Oiseau de mauvaise augure ou prophete!
    Je crois que l’essentiel est de chercher pourquoi on les a assassines. Et surtout qui les a assassines.
    A mon humble avis le concours des circonstances en 1960-1961 et en 1990-1993 sur l’echiquier politique mondial a ete a la base de ce qui s’est passe.
    Et en toute humilite je dois avouer que nos chers heros n’ont pas ete seulement tues par les compatriotes mais surtout la main etrangere aux visees de strategies plus vastes .
    Joseph Birori aurait voulu la paix mais le fait de s’etre infeode au colon ne pouvait pas le laisser libre d’esprit apres l’echec plus cuisant disons le de Albert Mauss que du Pdc.
    Quant a Ndadaye le discours de La Baule qui exigeait la democratisation des institutions a facilite la tache mais les donneurs de lecon qui je le crois bien voulaient tester la chose au Burundi avec un voeu supreme que ce soit Buyoya qui gagne ont ete court circuite et ont reagi par la violence.
    Dieu seul sait a quel niveau de gravite est leur peche!
    Par contre la suite des evenements dans la region apres 1993 montre que a moins que Ndadaye n’y soit implique il n’y aurait pas survecu tot ou tard. Raisonnement cru.
    En conclusion et specialement pour Ngendahayo les contextes des assassinats de 1960 et 1961 ont beaucoup change. Pas pour dire que les plans d’assassinats ne sont plus d’actualite mais plutot que aujourd’hui comme hier la securite des leaders dans les pays moins avances ne dependent pas des compromis de paix interieur mais plutot de l’assurance au monde exterieur et notamment ceux qui font la finance internationale que leurs interets ne sont pas menaces. C’est pourquoi ce qui importe est de garantir la securite, la bonne gouvernance et les capacites de cooperation.
    En cette matiere j’ai l’impression meme qu’apres la chute du mur de BERLIN les grands de ce monde se conviennent de la necessite ou pas d’eliminer tel ou tel autre leader(malgre la popularite interieure). Comme ils peuvent aussi decider de le proteger malgre une forte contestation interieure.
    Mais au dela de tout cela l’equilibre des forces garantie par 10 ans de guerre fait peur aux plannificateurs d’utiliser une force interieure, ne l’oublions pas!
    A (tout) bon entendeur, salut!

  8. Bizos

    @ karabona Simon
    Pourquoi les gens continuent à accuser Ndadaye juste en relayant les accusations de ceux qui l’ont tué. On demande toujours qu’on donne une seule preuve (écrit ou enregistrement) où Ndadaye a enseigné la division, la haine ou la vengeance.
    Même les média indépendants qui il y a quelques années n’osaient pas parler de Ndadaye comme un héros ont rectifié le tir.
    En 1993, j’étais parmi ceux qui l’insultaient et disaient que l’armée n’accepterait pas que le Burundi soit dirigé par un parti autre que « celui de l’unité » (Uprona). C’est après témoignages de ceux qui l’ont côtoyé et évolution de la politique burundaise que j’ai été convaincu que Ndadaye était un homme de paix et qu’il avait une vision pour un Burundi juste.
    Je suis d’accord avec J-PK sur l’élément de réponse expliquant pourquoi les gens ont massacrés leur concitoyens après la mort de Ndadaye.

  9. J-PK

    Cher JM Ngendahayo

    Qu’a-t-il manqué ? Telle est votre question.

    J’ai une proposition de réponse (qui vaut autant que celle des autres)
    Je pars de votre phrase suivante: « Le pays devait connaître dix ans de guerre comme il n’en avait jamais vécu dans toute son histoire multiséculaire. »

    C’est que, justement, cette histoire multiséculaire était basée sur des Institutions elles-mêmes multiséculaires, extrêmement solides, qui avaient permis d’ériger un Royaume viable, bien organisé et peuple fort, uni, solidaire et fier de son identité burundaise.

    Notre histoire, notre culture, notre identité … ont été progressivement grugées, puis définitivement brisées … Le coup fatal a été la perte de cette identité nationale au profit de la bassesse ethnique.

    Si, lors de la mort de Rwagasore, le pays n’a pas vécu ce que vous décrivez, c’est qu’il y avait encore les vestiges de ces Institutions dans le cœur du Murundi. Mwambutsa avait de la Hauteur. Le Murundi avait encore un brin d’Honneur.

    Puis, le déshonneur s’installa progressivement. La bataille des nez surgit. Le peuple perdit ses repères, Sebarundi n’ayant plus de signification et l’honneur n’étant plus une valeur de l’Homme Murundi.

    Si la perte de Ndadaye a entrainé ce que vous savez, c’est que la déshumanisation avait fait son œuvre. Le Murundi est devenu l’ombre de lui-même. Une bête sauvage. Aujourd’hui, la corrélation quasi-linéaire des termes « honorable » et « criminel » illustre à quel point … il faut être rêveur pour penser aux lendemains qui chantent !

    Alors…qu’a-t-il manqué? Il n’a rien manqué. Il a perdu son âme.

    Cordialement
    J-PK

    Si

    • Abdoul

      Très bon commentaire Mr JP-K!

  10. karabona simon

    Ngendahayo n’umuntu nubaha kweli. Ndamusavye gusa ko atosubira gushira ku rugero Ludoviko rwagasore incungu y’uburundi na Ndadaye. Yarakugize umushikirangaji ariko n’ukwemera urwanko yabivye mu gihugu, amaraso yasesetse igihe yagandagurwa. Vuga ukuri nkuko uhejeje kwemanga ko Rwagasore yishwe na benewabo ( Ntiderendreza na Biroli). Uraca uvyumvisha na Sowanyu Karoli Baranyanka aguma ahakana ko bakuruwe atari bahekuye uburundi le 13 /10/1961.

    • Jean-Marie Ngendahayo

      Kuri Karabona Simon,

      1. Icambere co uwuzi kahise k-Uburundi neza arazi ko igandagurwa rya Rwagasore ryagize inkurikizi mbi cane mu gihugu kandi bimara imyaka myinshi. Akaba yuko abo ubabaye bataciweko ni co kiza ntugire ngo abarundi bose niko vyabagendeye.
      Ni ko, igandagurwa rya Ndadaye nabo bari basangiye amabanga naryo ryarakurkikwe n-ubwicanyi mu gihugu imyaka myinshi. Ntawubihakanye, kandi ukaba warabuze nawe ukwiye guhozwa n-igihugu mu bandi.
      Ico mpakana ni uko umengo ushaka gushira ayo mabi kuri izo ncugu z-Uburundi kandi ari Rwagasore, ari Ndadaye nabo bajanye ari bo bahohotewe. Ntuhindukize lero kahise ngo imyagazi y-intama icike intambwe, intambwe nazo zihinduke utumalayika;

      2. Kuba umushikiranganji kuri Ndadaye ntikwabaye ukungabira ubutegetsi. Twari kumwe twese muri revolution démocratique twarondera turaheza turagabangana amabanga tukirikije ubushobozi umwe umwe twabona yaba afise ngo arangure amabanga tumuhaye. Iyo mvuze neza Ndadaye lero simba ndiko ndamukurira ubwatsi, mba ndiko ndagerageza kwumvisha abantu nkawe ubutore bwiwe nico yashaka gukorera Uburundi na Barundi bose ata umwana n-ikinono;

      3. Ukaba warakurikiye ivyo data wanje Karoli Baranyanka avuga kuri ico kibazo ntahakana ko benewabo, ari bo bavyeyi banje nabo, ataco bagirijwe. Wewe ashimikira kuvyo Abanyamahanga bakoze kandi bankogera bakosha abo ba Biroli na Ntidendereza. Jewe mu rwandiko rwanje sinagarutse ku vyerekeye abanyamahanga, nashimikiye kuvyo abarundi ubwabo bakoze kandi boshoboye gukora vyiza hagukora amaraso. Ukuri guca mu ziko ntigusha, ncuti!

      Komera

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 1 693 users online