Dimanche 22 décembre 2024

Politique

Sud du Burundi : des Imbonerakure accusés d’actes d’intimidation

Les habitants des provinces Rutana et Makamba accusent les jeunes affiliés au Cndd-Fdd d’intimidations et de mauvais traitements à leur encontre. Ils fustigent le laxisme des autorités policières et administratives.

Des Imbonerakure en train de faire du sport au chef-lieu de la province Makamba.
Des Imbonerakure en train de faire du sport au chef-lieu de la province Makamba.

Au chef-lieu de la province Rutana, la population vaque à ses occupations quotidiennes en cette fin du mois de février, malgré l’orage qui annonce une pluie imminente. Au parking des bus et autres voitures qui desservent la province, grouille du monde.

Il est 11h, mais les bistrots, le long de la route qui mène au centre-ville, sont déjà ouverts et certains clients, bière à la main, passent leurs commandes.

Une réalité se cache toutefois derrière cette apparence d’une ville paisible : les Imbonerakure y font la pluie et le beau temps. Selon des habitants de Rutana, ces jeunes militants du parti au pouvoir patrouillent la nuit, arrêtent les gens et les dépouillent de leurs biens. « Ceux qui s’y opposent sont tabassés. »

Nos sources indiquent que les cas les plus récents sont le passage à tabac de deux personnes, il y a deux semaines, au chef-lieu de la province Rutana : « Un enseignant du nom de Kibiri a été battu par un groupe d’Imbonerakure en patrouille, alors qu’il rentrait chez lui le soir. Ils l’ont grièvement blessé. »

«Dernièrement ils ont tabassé un jeune. Ils l’accusaient de prendre des photos alors qu’il était en train d’écrire un SMS. La veille, un groupe d’Imbonerakure en patrouille avait roué de coups un jeune professeur de lycée. C’est terrible !», renchérit un quinquagénaire.

Evrard Mugisha, étudiant à l’Université des Grands Lacs, campus Rutana, soutiennent d’autres sources contactées, a été tabassé samedi 11 février lors d’un entraînement de ces jeunes du parti au pouvoir.

Des entraînements bien préparés

Ce jeune homme fut arraché, rapportent nos sources, des griffes de ses agresseurs par la garde policière d’un député de Rutana. « N’eût été l’intervention de ce député, ce jeune aurait été battu à mort. Ils étaient chauffés à blanc. »

Pour ces habitants, ces sports sont bien encadrés et bien préparés car ils ont lieu tous les week-ends à la même heure. «Les samedis, ils se réveillent à 3h du matin et ils commencent à siffler pour le rassemblement», confie Jean-Marie, un habitant du chef-lieu de la province Rutana.

Lorsqu’ils sifflent, indique notre source, les habitants se cachent dans leurs maisons. « La peur nous envahit car nous ne savons pas ce qui peut se passer à tout moment. »

D’après les témoignages recueillis, ces Imbonerakure se rassemblent dans un même endroit et commencent à faire des exercices avant de courir dans les rues de la ville. «Ils sont une centaine et tous ont des gourdins. Gare aux militants des autres partis politiques qui ont le malheur de les croiser», raconte Pierre, un habitant de Karindo.

Des chansons qui font peur

Les paroles des chansons entonnées par ces Imbonerakure, lors de leurs entraînements, font peur aux habitants de la province Rutana. «Ils intimident les opposants politiques en leur disant qu’ils n’ont pas de place au Burundi, qu’ils ont plutôt intérêt à partir au Rwanda», témoigne Charles, la cinquantaine. «Cela nous fait très peur car nous n’étions pas habitués à ce genre de démonstration. Cela n’augure rien de bon», confie une mère, apeurée.

Ce qui est nouveau, ces derniers jours, au chef-lieu de la province, racontent les habitants, c’est que les Imbonerakure se permettent de fermer les cabarets pendant leurs patrouilles nocturnes. «Parfois, des échauffourées éclatent avec les cabaretiers. Il y a quelques jours, une bagarre a éclaté entre des Imbonerakure et des clients à Birongozi.»

D’après eux, c’est encore pire dans les autres communes, surtout à Giharo, Gitanga ou Musongati où ces jeunes du parti de l’aigle font la pluie et le beau temps. «Ce qui nous met en colère, c’est que cela est fait au vu et au su des autorités administratives et policières», s’indignent les habitants. Pour eux, cela montre que l’administration cautionne ces exactions.

Makamba n’est pas en reste

Ces exercices paramilitaires sont aussi signalés en province Makamba. «Ça se déroule tous les samedis», témoignent les habitants du chef-lieu de Makamba. Samedi dernier, une quarantaine de jeunes ont circulé dans plusieurs quartiers en entonnant des chansons qui menacent les opposants. «Nous avons l’habitude de ces intimidations», indiquent les militants des partis de l’opposition. Cependant, ils affirment qu’ils ne peuvent plus circuler dans la rue au moment de ces exercices. «Heureusement, ils ne portent plus de gourdins grâce aux cris des activistes de la société civile.»

Comme en province Rutana, des cas de torture de la part d’Imbonerakure sont signalés. Les habitants de la commune Kibago rapportent le cas d’un certain Jean Claude Ndikumasabo, qui aurait été torturé par des Imbonerakure sur la colline Rubimba, au début du mois de février. «Certaines victimes préfèrent se taire de peur d’être tuées», confie Nicodème, la soixantaine.

D’après les témoignages, des cas de torture, d’intimidation et de vol sont signalés dans toutes les communes de la province Makamba et, selon eux, la commune Kayogoro vient en première position. Là aussi, les habitants déplorent le comportement des autorités qui «ne font rien pour les protéger.»

Des mensonges et de fausses informations

Gad Niyukuri : « Ces jeunes entonnent des chants pacifiques lors des travaux communautaires. Est-ce un crime ? »
Gad Niyukuri : « Ces jeunes entonnent des chants pacifiques lors des travaux communautaires. Est-ce un crime ? »

Gad Niyukuri, gouverneur de Makamba, balaie du revers de la main toutes ces accusations : « Je n’ai jamais vu ou entendu des Imbonerakure faire du sport ou entonner des chansons pour intimider qui que ce soit. » Et de s’étonner que toute bagarre soit liée aux Imbonerakure : « Est-ce qu’avant l’arrivée du Cndd-fdd au pouvoir, il n’y avait pas de bagarre au Burundi ? »

D’après lui, ceux qui accusent ces jeunes du Cndd-fdd sont ceux-là même qui, à une certaine période, ont lancé des rumeurs d’entraînements militaires des Imbonerakure à Kiliba-Ondes. « Vous avez vu qu’il s’agissait de mensonges. »

Toutefois, M. Niyukuri reconnaît que ces jeunes entonnent des chants pacifiques dans le cadre des travaux communautaires ou de développement organisés les samedis à Makamba. « C’est pour s’encourager mutuellement. Ils portent souvent des bèches et des houes et jamais des machettes ou bien des gourdins. Est-ce un crime ? »

Et d’appeler les opposants à stopper la manipulation et la propagation de fausses informations : « Ils ont échoué en 2015 avec leur tentative de putsch et, depuis, ils dénigrent systématiquement toutes le actions de l’administration.

Et pour cela, ils s’en prennent aux Imbonerakure. »

Même son de cloche du côté de Zachée Misago, administrateur communal de Kayogoro. D’après lui, il n’y a jamais d’entraînements d’Imbonerakure dans sa commune. « Seuls des commerçants, accompagnés de leurs fils, font du sport les week-ends. »

Pour lui, ce ne sont que des mensonges véhiculés par les opposants en perte de vitesse sur le terrain. « Nous ne les voyons même plus. Presque tout le monde a adhéré au parti au pouvoir. Je me demande alors pourquoi ces jeunes se battraient entre eux. »

Contacté Bede Nyandwi, gouverneur de Rutana, nous a dit dans un premier temps qu’il n’était pas au courant de ces entraînements des jeunes du parti au pouvoir, tout en reconnaissant avoir appris le cas de l’étudiant tabassé. Il nous avait promis de nous donner plus de précisions ultérieurement. Toutefois, lorsque nous l’avons recontacté, son téléphone sonnait occupé.

Interrogée, Denise Bahendubone, administrateur communal de Giharo, nous a rétorqués sèchement qu’elle n’était pas au courant de ces informations avant d’affirmer, sans plus de détails, qu’elles étaient tout simplement fausses.

Côté forces de l’ordre, des sources policières à Rutana et Makamba disent ne pas être au courant de ces actes d’intimidation et de passage à tabac de la population par les Imbonerakure. Néanmoins, ces sources reconnaissent que ces entraînements se sont intensifiés, ces derniers temps, dans le sud du pays.

Iwacu a contacté, sans succès, Pierre Nkurikiye, porte-parole de la police, pour plus de précisions.

Anschaire Nikoyagize : « Les dirigeants actuels rendent un mauvais service aux jeunes générations.»
Anschaire Nikoyagize : « Les dirigeants actuels rendent un mauvais service aux jeunes générations.»

«Intimider les opposants ne résoudra pas la crise»

Anschaire Nikoyagize, un des activistes burundais des droits humains, fait savoir qu’ils sont au courant de ces cas d’intimidation et de torture perpétrés par les Imbonerakure. « C’est un phénomène qui se passe dans tout le pays.»

Pour lui, les dirigeants actuels rendent un mauvais service aux jeunes générations. «Même si la crise se termine, le pays restera dans la phase de rééducation de ces jeunes au lieu d’enclencher la phase de développement. C’est dommage car nous vivons dans cette situation depuis 1993.» D’après cet activiste, le pouvoir aura du mal à l’avenir à contrôler les Imbonerakure. «Intimider les opposants n’est pas la solution pour résoudre cette crise. Il faut plutôt des discussions franches », conclut-il.

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. Micombero

    Plus 70% sont des imbonerakure au Burundi. S’il vous plait, il ne faut pas denigrer le people Burundais en passant par sa jeunesse. Les politiciens sans assize politique ne font que mentir sur les imbonerakure

  2. kiraga junior

    ces imbonerakure constituent l’obstacle pour le developpement de notre pays car ils se sentent superieurs a tous les barundais en faisant ce qu’ils voulaient y compris la tuerie

  3. Jereve

    Cette déclaration de l’administrateur de Kayogoro laisse perplexe : « Nous ne les (les opposants) voyons même plus. Presque tout le monde a adhéré au parti au pouvoir » ! On se demande sur quelle base il tire cette affirmation. Mais peu importe, cet administrateur devait savoir qu’à une certaine époque, certains administrateurs tenaient le même langage, pour dire que ce sont des super-administrateurs qui ont réussi à rallier toute la population à un certain parti unique. A la fin, il s’est avéré que c’était du bluff. On peut soumettre les gens par la violence, mais l’âme reste insoumise.

  4. Fofo

    Nous devons faire attention à la généralisation car il y a risque de créer des solidarités négatives. La technologie a avancé! On a tous les appareils digitaux (parfois sophistiqués) dotés des caméras et enregistreurs capables de filmer et enregistrer des images et sons à distance. Pourquoi ne prennent pas ces images et les rendre publiques. Ainsi on auraient des preuves irréfutables et ce serait une bonne façon de dénoncer tous ces actes. Sinon, dire les imbonerakures ont fait ce-ci ou cela deviendra tôt ou tard sorte de calomnie!

    • Komezamahoro

      @ Fofo,
      As-tu lu ce qui est arrivé à cet étudiant qui écrivait un SMS? Il a été tabassé et il allait mourir si le Député lui-même n’avait pas intervenu. Bref, pour te dire que ce n’est pas facile de filmer ni de prendre des photos de ces Imbonerakure.

      • Fofo

        @Komezamahoro,
        Une pure fuite en avant! Certes, c’est dangereux mais pas plus que le photographe a pu filmer l’assassin qui a tué l’Ambassadeur russe en Turquie! Mois encore des journalistes qui parviennent à filmer les affrontements armés pendant les guerres! Comment peut-on croire à des accusations sans aucune preuve tangible? Ca fait maintenant 10ans qu’on parle de ces imbonerakures mais personnes n’a jamais montré Je ne veux toutefois nier qu’il n’y a pas des cas de bavures chez l’un ou l’autre imbonerakure

        • Joste Mirongibiri

          Le cas de l’assassin qui a tué l’Ambassadeur russe en Turquie ne peut pas être comparé à des prises de risque qui sont faites par ceux qui veulent témoigner. Dans la salle il y avait plus d’un journaliste et le malheureux évènement a surgit pendant les prises d’image. L’assassin n’avait que faire des journalistes, il avait décidé de passer à l’acte en sachant qu’à coup sûr il sera filmé. Et il y a lieu de se demander si ça ne faisait pas partie de ses objectifs: commettre son crime quasiment en direct. Pour ceux qui filment les théâtres de guerre, on se souviendra des « embeded », à coup sûr encore, ce sont des professionnels du métier. ( Sans pour autant vouloir insinuer qu’ils ne courent aucun risque.) Et qui plus est, la guerre conventionnelle diffère des GNC et des violences de la rue.

  5. dodo

    Avez vous réussi à prouver qu’il t’avait des imbonerakure à kiliba onde? C’est pas que les politiciens de l’opposition en perte de vitesse ,le jour alors Iwacu est en perte d’idée et de vitesse, une bassesse sans commun mesure, une médiocrité qui ne dit pas son nom!!!

    • Yves

      @Dodo : ceux que vous insultez de médiocre ont l’élégance de vous laisser vous exprimer librement. Peut-être y verrez-vous une leçon de vie qui vous rendra plus humble vis-à-vis de ces journalistes qui continuent à arpenter le terrain en dépit de conditions difficiles

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