Au sud de la capitale, cette circonscription mi-rurale, mi-citadine, s’est illustrée comme l’une des plus contestataires au 3ème mandat du président Pierre Nkurunziza. Une ténacité qu’elle semble tenir de son passé mouvementé et de ses jeunes ’’lions’’.
Du centre-ville, c’est une affaire de 10 min sur la RN7 pour rentrer dans la partie populaire de Musaga. L’animation régnant sur cet axe qui mène vers l’intérieur du pays, n’est qu’un trompe-l’œil.
Il est 11 heures, ce mercredi 19 août. Tôt le matin, c’est la stupeur après la découverte de quatre cadavres à la deuxième avenue, la tension est palpable. À l’entrée de la 1ère avenue, au quartier Gasekebuye I, deux jeunes assis sur un tronc d’arbre coupé, qui fait quelques fois office de barricade, scrutent l’intérieur de chaque voiture qui veut pénétrer à l’intérieur du faubourg. «Si nous remarquons quelque chose de suspect, nous donnons l’alerte», expliquent-t-ils.
Ces jeunes ne sont pas des policiers. Quant à ces derniers, ils ne sont qu’à 100 mètres et regardent ce manège sans intervenir. Pour rien au monde, ils ne s’enfonceraient à l’intérieur du quartier. D’ailleurs, la nuit tombée, l’armée prend la relève. «Les quelques incursions qu’on se permet, on le fait à plusieurs», admet un des policiers.
Le paysage de Musaga ressemble à une ville assiégée. À chaque sortie de rue, au minimum deux policiers sont en faction. Une vingtaine de mètres plus loin, les ’’jeunes-vigiles’’ du quartier ne les quittent pas des yeux. Une situation qui perdure depuis plus de trois mois.
« Rien de nouveau sous ’’notre’’ soleil »
25 avril. Le président sortant Pierre Nkurunziza se porte candidat pour les présidentielles. Le lendemain, Musaga est en ébullition. Des manifestations monstres secouent la capitale. Musaga en est le porte-flambeau. «Ce troisième mandat est une insulte pour tout Burundais voulant la stabilité du pays, donc, on ne a décidé de ne pas croiser les bras», se souvient Armand, un des jeunes manifestants. En quelques jours, la RN7 est bloquée : barricades, pneus en feu, tout est utilisé pour obstruer cet axe.
La répression ne se fait pas attendre. Pour mâter les« insurgés », l’administration mobilise une escouade importante de policiers. Le mouvement contestataire résiste. Place à la manière forte. Le sang coule. Ce qui semble renforcer la résistante. Quand des jeunes tombent sous les balles des policiers, ces derniers essuient des jets de pierre, certains fatals.
À côté de ces jets de pierres, ’’l’arme de David’’ devient l’arme ultime des manifestants. Plusieurs jeunes ne se séparent plus de leur fronde, pendue constamment à leur cou. Le pic des manifestations se situe dans la journée du 13 mai, jour du coup d’état manqué. Après, les manifestations s’essoufflent dans la capitale. Mais Musaga ne fléchit pas. Il devient le dernier bastion de la contestation, jusqu’à la fin juin.
Jacques est un homme dans la quarantaine. Assis dans sa petite boutique, il a regardé le film des événements, du début à la fin. Un seul mot peut qualifier son attitude : blasé. « On en a vu des plus dures, et comme par le passé, Musaga ne va pas se laisser faire, j’ai confiance.»
En juillet 2003, des éléments de l’ancien mouvement rebelle, le Fnl, attaquent Musaga. Les habitants fuient massivement. Pas tous. Enock est un des jeunes qui se rangent du côté de l’armée pour refouler les combattants du Fnl. « J’avais 17 ans, et je me souviens que bon nombre de mes amis sont tombés », évoque-t-il. Et de conclure : « Si j’ai survécu à ça, je survivrai aussi à la suite.»
La bataille des mères
« Passer la journée sous le soleil à vendre des tomates, rentrer cuisiner, apaiser les enfants la nuit quand ça tire, s’inquiéter pour l’aîné qui s’est peut-être fait arrêter, répondre aux brimades du mari qui vient de passer des mois sans boulot,…». Tel est le quotidien de certaines femmes de la partie défavorisée de Musaga.
Ce quartier sera parmi les premiers à compter plus de femmes parmi les manifestations. « Des vrais guerrières », apprécie Enock.
Un avis qu’il ne partage pas avec tout le monde. Certains les qualifient de « furies ». Pourtant, un saut au centre artisanal de Musaga (CAM) projette une autre image de ces femmes. Elles sont plus d’une soixantaine, en grande partie des jeunes femmes ou des mères célibataires déscolarisées, à travailler dans le textile pour subvenir à leurs besoins et aux besoins de leurs foyers.
Le petit marché de la 1ère avenue illustre aussi l’aspect ’’batailleur’’ de ces femmes. Pour la plupart, elles viennent du quartier Gikoto, d’autres de Kamesa, plus en hauteur. Chaque matin, elles dévalent les collines pour venir vendre leurs produits au marché. « Vivre est une continuelle bataille », confie Alida, panier vide à bout de bras. À six mois de grossesse, elle fait à peu près trois kilomètres chaque matin pour venir vendre ses produits au marché de Musaga.
Atouts et défis
Musaga offre un visage paradoxal. Il y a le « Musaga populaire », à majorité habité par des personnes aux revenus moyens, et le « Musaga haut standing », quartiers de nantis.
Bède Ndayiragije fut administrateur de la commune Musaga entre 2003 et 2005. Pour lui, la grande différence entre ces deux parties de la commune réside dans l’assiduité aux cours des jeunes ressortissants de ces différents quartiers. « La plupart des jeunes de ’’Musaga populaire’’ abandonnent tôt les études, contrairement à ceux des Kinanira II, III et tutti quanti», confie-il.
Au parking de bus de transport en commun en partance pour l’intérieur, on y rencontre plusieurs jeunes de ce Musaga ’’pauvre’’. Fabrice est l’un d’eux. Il est convoyeur de bus, et pour lui, c’est par nécessité qu’il a déserté de l’école. « On doit gagner sa vie et ne pas dépendre éternellement des parents », explique-t-il.
La jeunesse dynamique de Musaga est une de ses grandes forces. Malheureusement, ces derniers temps, ceux qui ne se sont pas exilés à l’étranger de peur d’être arrêtés pour avoir participé aux manifestations, restent cloitrés chez eux. Fernand est réfugié au Rwanda. Son grand désir est de rentrer chez lui et finir son mémoire, mais une question le taraude : « Ceux qui nous pourchassent sont-ils prêts à nous laisser rentrer sans nous inquiéter ? »
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Angèle Nizeyimana, la dynamique
Du haut de ses 55 ans, Angèle reste la femme infatigable qu’elle a toujours été. Energique, elle est entre clubs culturels et associations, incarnant à merveille la féministe qui vit par passion, et agit selon sa conscience.
« C’est à peine si les jeunes apprenties du Club Umudeyo ne l’appellent pas maman », s’exclame Alexandrine Nahimana, présidente de ce club. Ce qui ne peut que faire sourire Angèle. Pas de la fausse modestie, non. «C’est juste que je fais ce que je dois faire et j’essaie de le faire bien », exprime-t-elle affablement.
Angèle est une femme posée, fine observatrice. Cela est peut-être dû à son travail de laborantine au ministère de l’Energie et des Mines, un travail qui exige patience, un savoir-faire et un sens aigu d’observation. Ce qui fait d’elle une jauge efficace de personnalités.«Chaque personne est comme un minerai : ses propres propriétés, des qualités, des imperfections qu’il faut prendre en conséquence», considère-t-elle. Et d’ajouter que « cela est la règle d’or afin de vivre en parfaite intelligence avec tout le monde.»
Une ‘‘gourmande’’ de la vie
Angèle est née en 1960 à Murore, commune Gisagara de la province Cankuzo. Elle fait partie d’une famille nombreuse, milieu dans lequel elle se fait ses premières armes dans la conciliation. Ses études à l’Institut de théologie évangélique de Mweya sont une expérience qui la marque pour la vie : chaque activité dans laquelle elle s’engage est mise sous le signe du Tout-Puissant.
Elle se marie en 1985, une union pas de tout repos, mais qui tient le coup malgré tout. De cette union naîtront quatre enfants. Et si on la taquine sur sa religiosité, elle fait preuve de son sens de la repartie : « Hey, je ne suis pas une grenouille du bénitier tout de même, tant qu’on vit, il faut vivre, n’est-ce pas ?». Comme quoi, toute bonne conversation débute autour d’une bonne bière.
‘‘Femme orchestre’’
Choriste, chanteuse, danseuse, présidente d’associations, chef de quartier, artisan de paix pour l’OAP, businesswoman,… Angèle peut porter une multitude de casquettes en une seule journée. Ce qui force l’admiration de ses proches.
« Ce n’est pas n’importe qui pouvant faire ce qu’Angèle accomplit », concède Trinitas Nduwabike, une amie et voisine. « Le dynamisme, l’esprit d’innovation, l’harmonie qui la caractérise, c’est ce cocktail qui fait qu’Angèle soit à elle seule un pilier, une sorte d’institution dans notre club», apprécie Alexandrine.
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Les jeunes de Musaga s’expriment
Vivre à Musaga n’a rien de facile. Aux problèmes matériels, se sont ajoutés les problèmes sécuritaires. Rencontre avec les femmes et les jeunes de cette partie de la capitale, qui ont un regard différent sur les récentes manifestations.
Daphrose Ruhanika, « les manifs devraient être pour les majeurs.»
Institutrice, Daphrose se sent toujours visée par certains commentaires du style, « est-ce que ces jeunes gens qui manifestent ont des parents ? ». Pour elle, il faudrait connaître Musaga avant de donner un quelconque point de vue. « C’est un quartier difficile. Les jeunes ont pris l’habitude de se réunir et on ne peut tout de même pas les enfermer. » Elle pense que plusieurs jeunes y ont participé sans savoir en quoi ils étaient en train de s’engager, « juste une façon de suivre la tendance du moment.»
Chez elle, dans son ménage, elle a imposé une règle, «attendre la majorité pour aller manifester. » Après, la seule responsabilité qui incombe au parent, c’est d’échanger avec son enfant et essayer de comprendre ses motivations.
Floris Mandari, « pour être épanoui, il faut pouvoir vivre en paix.»
Jeune scout et musicien, Floris en a bavé dans le passé. Rejeté par sa famille qui lui reprochait des mauvaises fréquentations, l’abus d’alcool et la consommation de drogues, cela a été un long chemin pour se reconstruire et abandonner ses mauvaises habitudes. Dans la période des manifs, il y participe, mais finit par se poser des questions en voyant quelques-uns de ses camarades tomber, fauchés par les balles des policiers : « Se reconstruire a été assez difficile, vais-je perdre ma vie aussi facilement après tous ces efforts fournis ? »
Il prend alors une résolution, « éviter tout ce qui peut mettre en danger ma vie, mais ce n’est pas pour autant que je ne suis pas de cœur avec les manifestants. » Son plus grand souhait serait de voir son quartier retrouver sa paix d’antan.
Bonus Ahishakiye, « tolérance pour tous.»
Elève, il n’a pas manifesté pour des raisons personnelles. Il va être au fur et à mesure discriminé par ses amis. «Difficile de leur faire comprendre que la politique ne m’intéressait en aucun cas.» Mais cette tension finira par s’alléger, puis par disparaitre. Au tour des étrangers de subir la pression et la suspicion des jeunes de Musaga. « C’est cette situation que je voudrais voir évoluer», soupire Bonus.
Nashaka nsabe le Journal Iwacu tuzi ko ifise professionnalisme muvyo yandika ize iririnda amajambo yotuma urwaruka rwacu rubandanya kugwa muri piege ya politique yabantu bamaze kwigira i Buraya, abana babo bariko bariga mu mashure meza cane i Buraya canke Kigali muga le pauvre de Musaga, Jabe, Nyakabiga, Cibitoke ariko avundira mu Mpimba canke ku Mpanda azira ubujuju.
Est ce que parmi ces jeunes il y a vos enfants, cousins,… Ces jeunes sont tous désœuvrés et vous êtes contents de les voir tomber aussi bas ramasser les qlqs miettes jeter par ceux qui se disent contre le 3eme mandat, où sont leurs enfants ?. ?!!
A
A. Uwikunze,
Votre droit d’ecrire est un grand acquis dans ce pays, cependant je regrette et doute fort votre but dans l’utilisation des mots comme « l’indomptable, jeunes lions, jeunes- vigiles, vraies guerrieres, l’aspect batailleur » etc….Est-ce une facon cachee d’attiser le feu en definissant avec des qualificatif precis leur etat guerrier permanent???…Vous oubliez une chose tre importante: les jeunes de Musaga etaient plus appuyes par les centaines des jeunes FNL de Buja rural plus proche, qui ont joue un role tres important. Aussi, des renforts venant de Kamenge, Carama, Kinama, Kigobe, Mutanga nord, Buyenzi, Kanyosha etc…venaient pour soutenir Musaga.
Autre point commun: en leur grande majorite, je pense que les jeunes de Musaga (comme ceux des autres quartiers d’ailleurs) sont des chomeurs sans ou avec tre peu d’espoir du lendemain. Musaga n’est pas habite par les natifs seulement: certains jeunes qui cherchent de l’emploi dans la capitale preferent Musaga parce qu’il y a moyen d’y vivre dans la modestie.
Parmi ces jeunes, des centaines ont ete arretes et on ne connait pas leur suite. Certains sont rencontres morts dans des rivieres de la capitale. Mais, sous Nkurunziza ou sous Rwasa, la verite est que leur vie ne pouvait pas changer car ils ne font pas partie de leur politique…..(Fallait-il perdre leur vie en faveur d’un Rwasa qui ne se soucie que de sa vraie ideologie originale???
M. Thede,
Merci de relever ces qualificatifs « l’indomptable, jeunes lions, jeunes- vigiles, vraies guerrieres, l’aspect batailleur »
La question de savoir si c’est une facon cachee d’attiser le feu en definissant avec des qualificatif precis leur etat guerrier permanent est tout à fait légitime…Pourquoi Musaga s’illustre et pas les autres quartiers? Il n y a que l’histoire qui le dira mais dans tous les cas et dans cette attente, force est de constater qu’ils s’opposent aux institutions de manière large en s’en prenant aux agents de l’ordre, aux membres du parti au pouvoir etc…
Question qui arment ces jeunes et dans quels buts?
Dans un pays comme le Burundi, je crois que les hommes et femmes devaient réfléchir mille fois avant de dresser les uns contre les autres. Les événements récents de l’humanité devaient nous aider à réfléchir. Démolir les institutions peut paraitre facile mais les conséquences sont autres. Et surtout que ceux qui les démolissent, n’en subissent pas les conséquences. Ou est Pacifique Nininahazwe, Nyangoma, Rufyikiri, et les autres? En Belgique où ils se la coulent douce!