Kanyanga, umunanasi, umuraha, umukororajipo, ikwete, umugorigori, ikibarube, umudiringi, igiti, umungazi,…Toutes ces boissons sont fabriquées de façon rudimentaire et, la plupart du temps, dans de conditions d’hygiène exécrables.
Légalement prohibées, elles sont pourtant souvent vendues au vu et au su de la police et de l’administration. Consommées sur tout le territoire national, leurs noms changent selon les régions. Mais les ingrédients restent globalement les mêmes.
L’ ‘’Umudiringi’’ est fabriquée avec de l’eau, du sucre et du thé. On y ajoute de la levure. Dans certaines provinces comme Bubanza, certains fabricants se servent même des engrais chimiques agricoles comme levure pour permettre une forte et rapide fermentation. La période de fermentation varie entre 4 jours et une semaine.
«Certains vendeurs de ces boissons n’attendent même pas deux jours», confie Marius, un fabricant de cette boisson de la zone Kamenge en commune Ntahangwa en Mairie de Bujumbura. D’après lui, pour 100 litres d’eau, il met 17 kg de sucre. Il ajoute ¼ kg de thé et 100 g de levure.
Des effets nocifs pour la santé
La boisson ‘’Umuraha’’ est fabriquée, quant à elle, avec des ananas. «J’utilise autant d’ananas que je veux. Je les pille et je les mélange avec de l’eau», raconte Jean Paul, un fabriquant d’Umuraha en province Cankuzo.
Le mélange est par la suite filtré. «On utilise parfois une moustiquaire neuf.» Le jus récupéré est mis dans un fût. On y ajoute du sucre et de la levure. Le fût doit être hermétiquement fermé. Ce dernier est mis à côté d’un feu. «Avant, la période de fermentation était d’un mois voire même 3 mois. Aujourd’hui, on commence à la consommer après 3 jours.» La boisson Umuraha est très prisée dans les provinces de Ruyigi et Cankuzo.
Pour l’Ikwete’’ ou «Umugorigori», on mélange la farine de maïs et de l’eau jusqu’à obtenir une pâte. On laisse cette pâte pendant 3 jours ce qu’on appelle «Gukandika». Au quatrième jour, on met sur le feu un demi-fût communément appelé «Igikarango», on y verse un peu d’eau et on y ajoute la pâte qu’on avait préparée avant. On malaxe avec une pelle pendant un certain temps. Le mélange est versé dans un autre fût. On y rajoute un ferment qui est pour la plupart du temps de l’éleusine. Après 2 jours de fermentation, la boisson est prête à la consommation. Dans les provinces de Ruyigi, Cankuzo, Muyinga et ailleurs, les habitants ne considèrent pas l’Umugorigori comme une boisson prohibée. «C’est une boisson traditionnelle comme le vin de banane», indique une consommatrice de la commune Cendajuru en province Cankuzo.
Le ‘’Kanyanga’’ est une boisson extrêmement forte qui est consommée sur tout le territoire national. Les fabricants de ce produit prohibé se servent de la farine de maïs avec des déchets d’écorces pourries des maniocs et couverts de moisissures. «On met ce mélange sur le feu. Le fût doit être hermétiquement fermé pour éviter que la vapeur sorte», raconte un fabricant de Kanyanga de la province Ruyigi.
La vapeur est récupérée dans un autre fût relié à l’autre fût par un tuyau. La vapeur redevenue liquide est réchauffée encore une fois dans un autre fût, lui aussi hermétiquement fermé. Sa vapeur est également récupérée dans un autre fût à l’aide d’un tuyau. «Cette opération est renouvelée autant de fois. Ça dépend de la qualité de Kinyanga que tu veux avoir.»
Les conditions d’hygiène dans ces mini-usines de Kanyanga sont déplorables. Parfois, les fûts et les tuyaux dont ils se servent sont rouillés.
Les effets sur les consommateurs de ces boissons sont très inquiétants. Les consommateurs maigrissent à vue d’œil à cause de l’inappétence, la peau devient noirâtre ou transparente, les jambes gonflent et à la fin les consommateurs ne parviennent plus à marcher. «Ils présentent des œdèmes au niveau des joues, des orteils, des pieds, des jambes et des bras. Certains ont des difficultés à accomplir des rapports sexuels», confie un administratif de la commune Cendajuru. Certains perdent presque la raison et s’adonnent à des scènes obscènes sur la place publique.