Kinama et Kamenge : « Non à l’envoi des militaires de l’UA »
Delphin Hakizimana, habitant le quartier Ngozi, n’y va pas par quatre chemins : « Nous ne voulons pas de cette force d’interposition. » Selon lui, elle viendrait soutenir des insurgés qui tuent les forces de l’ordre. Or, affirme-t-il, la police est venue à bout de l’insurrection parce que des rafales de tirs et explosions de grenades ont baissé d’intensité.
Cet avis est partagé par un soudeur sous couvert d’anonymat. Depuis l’insurrection, soutient-il, plusieurs policiers ont été tués par des insurgés, mais personne ne pipe mot. « Maintenant que les insurgés ont été mâtés, ceux qui les soutiennent veulent venir pour les appuyer.»
Jean Girukwishaka, chauffeur de bus, abonde dans le même sens. D’après lui, une force dite d’interposition se tient entre des belligérants. Or, poursuit-il, au Burundi, les forces de l’ordre maîtrisent la situation. Et de se demander ce que viendrait faire cette force dans un pays en paix et qui est le premier pourvoyeur de militaires dans les missions de maintien de la paix sur le continent africain.
Toutefois, un jeune élève rencontré au lycée municipal de Kinama estime que cette force de l’UA devrait venir car l’armée et la police ne sont plus capables de sécuriser la population. Sinon, s’interroge-t-il, comment expliquer les patrouilles nocturnes effectuées par des jeunes Imbonerakure dans différents quartiers de la zone Kinama.
« Le problème est politique et devrait être traité comme tel »
A Kamenge, la plupart des personnes interrogées fustigent certains milieux politiques pour avoir brandi la menace d’un génocide, ce qui a poussé l’Union Africaine à décider l’envoi d’une force régionale. « Des Tutsi vivent à Carama à quelques mètres de notre zone. Ils empruntent la même route que nous, s’approvisionnent au même marché que nous et ne sont pas pour autant inquiétés », martèle un jeune mécanicien rencontré au garage sis à la 2ème avenue au quartier Heha.
Quant à Pacifique M., un enseignant, il s’interroge : « Où était cette communauté africaine et pourquoi n’a-t-elle pas envoyé des militaires quand le Président Melchior Ndadaye a été assassiné en 1993 ? » Pour lui, la communauté internationale pratique deux poids deux mesures sur ce qui se passe dans la région. « Au Rwanda, un homme manipule la Constitution à sa guise, mais personne ne bouge alors que des sanctions n’ont pas tardé à tomber sur le Burundi. C’est incompréhensible ! »
D’après lui, le problème actuel est purement politique et devrait être traité politiquement. « L’Union Africaine devrait tout faire pour ramener tout le monde à la table des négociations au lieu d’envoyer des soldats sur le sol burundais sur base de fausses informations. »
Musaga, Kinindo : « La venue de MAPROBU est un échec pour le parti au pouvoir »
Pour Florian, un habitant de Musaga, la venue, au Burundi, des troupes de l’Union Africaine signifie l’échec politique de Pierre Nkurunziza. « Il vient de passer 10 ans au pouvoir mais n’a pas pu protéger la population. C’est très dommage d’en arriver là», regrette ce jeune homme, la vingtaine.
A.K, un mécanicien de Musaga trouve que l’intervention de MAPROBU est très nécessaire. Selon lui, c’est le seul moyen pour stopper l’escalade de la violence. « Ces forces changeront les choses dans la mesure où elles pourront s’interposer entre la police et les jeunes des quartiers contestataires, beaucoup plus visés. »
Selon lui, leur présence pourra être dissuasive. Elles pourront être l’œil de la communauté internationale par rapport aux abus tant du gouvernement que des contestataires.
R.B, habitant de Kinindo est pour la venue des troupes de l’UA. Il estime que ces derniers seront une force d’interposition entre la police et les contestataires. « Si ces troupes arrivent, les gens pourront s’exprimer librement sans être exécutés après. »
Nyakabiga : « Que ces troupes arrivent ! »
Les habitants de cette zone contestataire qui se sont réveillés sous des scènes noires le samedi 12 décembre, s’accordent sur la nécessité de cette mission de prévention. Avec une vie qui reprend timidement dans ses différentes avenues mais cachant une peur palpable, étudiants, boutiquiers, cabaretiers rencontrés dans le quartier 3 se confient …
«Ces troupes tardent à venir», lâche E.I, un étudiant, habitant le quartier 3 à la 9eme avenue, faisant allusion au probable envoi des troupes de la MAPROBU. « C’est devenu cauchemardesque de voir la jeunesse se faire tuer quotidiennement, des familles pillées, sans qu’aucune autorité nationale ne lève le doigt, il faut que ça cesse », insiste-t-il. Et de conclure que cela n’est possible que grâce à l’intervention d’une force neutre.
J.C, un boutiquier rencontré à la même avenue renchérit : «Toute personne qui élève la voix contre le pouvoir est tuée ou se voit obligée de fuir pour survivre. C’est devenu invivable », déplore-t-il. Pour ce boutiquier, il est grand temps que la population soit protégée. « Le monde doit savoir que tous les Burundais ne dorment pas sur leur deux oreilles comme veulent le faire croire certaines personnes», martèle-t-il.
M.N, une quinquagénaire rencontrée dans la même zone précise que certaines maisons sont presque vides. «Nous avons besoin d’une protection et d’une solution durable à la crise burundaise»
«J’ai espoir que les dérapages de certains éléments des forces de l’ordre pourront s’estomper grâce à cette force étrangère », confie C.N, cabaretier dans cette zone. Il s’alarme de la tournure des événements «C’est inadmissible de voir des forces de l’ordre prendre des bijoux d’une femme pour lui laisser la vie sauve ». Et de compléter que cette tâche s’annonce d’ores et déjà difficile vu l’opposition du pouvoir.
Ngagara : «Cette force peut gêner le gouvernement»
“Cette force vient-elle pour arrêter et juger ceux qui ont pris, torturé ou tué nos enfants”, se demande Nadine M., femme au foyer dans le quartier 2 de la zone Ngagara, en commune urbaine de Ntahangwa. Pour elle, cette force ne fera pas revenir les victimes et ne pourra pas empêcher d’autres carnages : « Ceux qui tuent le font au grand jour sans se cacher, ils sont connus et la communauté internationale a déjà pris des sanctions contre certains d’entre eux, mais ça n’a rien changé. S’ils ne craignent pas Obama, ils ne craindront pas les Africains et ils vont continuer. »
Pourtant, Isidore K., fonctionnaire habitant le quartier 5, semble plus confiant : « Si le pouvoir ne veut pas que cette force vienne, c’est qu’il la craint, et donc qu’elle peut le gêner », indique-t-il. Il reconnaît que les forces internationales n’ont pas toujours été d’un grand secours pour la population dans les pays en crise, mais garde espoir : « l’UA a décidé de déployer une force pour protéger la population, et j’espère que c’est ce qu’elle fera. »
Jean Claude B., jeune marié, quartier 7, est dubitatif, et craint plutôt un embrasement de la violence si cette force est déployée au Burundi : « Nous savons ce dont sont capables certains policiers et militaires. Si le gouvernement a déclaré qu’un déploiement sans son contentement sera considéré comme une agression, je ne donne pas cher de nos peaux. Une fois de plus, nous risquons de subir le courroux de certains éléments de la police et de l’armée, qui vont nous accuser d’être à l’ origine de la venue de la force panafricaine. »
Kigobe : opinions divergentes
« Est-ce que l’arrivée de ces troupes permettra l’arrêt des assassinats des jeunes ? Je doute qu’elles puissent le faire au regard des missions de maintien de la paix dans d’autres pays», nuance un jeune homme de 32ans habitant à Kigobe. Toutefois, la mission serait bénéfique si ces troupes remplacent les militaires et policiers se trouvant dans les quartiers contestataires.
«Qu’on les laisse venir puisque la police et les militaires tuent les gens alors que leur mission est de les protéger. Ils ont failli à leur mission », s’exprime une maman de quatre enfants, commerçante, habitant à Kigobe. Selon elle, il est inconcevable que des gens soient tués sans état d’âme alors que le pays compte des milliers de forces de l’ordre. « Au moins, il y aura des militaires pour les protéger. J’espère que les policiers et ces «miliciens» cesseront de commettre les assassinats et les vols dans ces quartiers contestataires.» Elle espère que la présence des troupes de l’Union Africaine va persuader ceux qui ont toujours la soif de tuer. « Bazogira ico batinya» (ils craindront les troupes étrangères)
«La présence des troupes étrangères a-t-elle empêché qu’un génocide au Rwanda se commette ? C’est pourquoi ces troupes de l’Union Africaine ne serviront à rien», estime un homme, la cinquantaine. La présence de ces troupes n’est pas une solution au mal burundais qui, selon lui, est lié à la pauvreté : « Ces missions de maintien de la paix coûtent trop chères. Que cet argent soit orienté dans des projets de développement car la population vit dans une misère sans nom.»
Ça c’est du travail de journaliste. Je me demande pourquoi il y a aucun organe de presse public capable d’émuler Iwacu. Si non sur le contenu,on aurait aimé entendre le point de vue des populations rurales,celles que le pouvoir tente de récupérer en les appelant affectueusement la majorité silencieuse..On veut aussi connaitre ce que dit les refugiés,car les stats disent que 80% de ceux se trouvant en Tanzanie sont des rapatriés qui sont retournés sur leur ancienne terre d’asile. En tout cas à l’année prochaine
biracagoye