Vendredi 22 novembre 2024

Politique

La carte nationale d’identité fait monter la fièvre électorale

11/08/2014 7

L’ADC-Ikibiri dénonce déjà une fraude électorale par l’octroi irrégulier de la carte nationale d’identité (CNI). Selon Léonce Ngendakumana, son président, dans certains endroits, elle est délivrée aux seuls militants du parti Cndd-Fdd. Il met la CENI devant ses responsabilités. Le ministère de l’Intérieur estime qu’aucun mécanisme ne permet de juguler cette tricherie. Iwacu a mené une enquête dans la province de Cibitoke.

Des personnes avec quatre ou cinq cartes d’identité !

En 2005, le Pnud a pris en charge la question des cartes d’identité. Et ça a bien marché  ©Iwacu
En 2005, le Pnud a pris en charge la question des cartes d’identité. Et ça a bien marché ©Iwacu

« Le fichier électoral est l’élément névralgique de tout le processus électoral », déclare Léonce Ngendakumana, président de la coalition Alliance des Démocrates pour le Changement (ADC-Ikibiri). Or, il constate que les militants de sa coalition accèdent difficilement à la carte nationale d’identité: « Ils se plaignent que la procédure leur donne du fil à retordre. »
M. Ngendakumana dit détenir des informations selon lesquelles un militant du CNDD-FDD peut avoir au moins quatre à cinq cartes d’identité.
Le président de l’ADC accuse les chefs administratifs à la base de faciliter cette tricherie. Léonce Ngendakumana raconte que dans la plupart des cas, ces pièces d’identité sont délivrées aux enfants qui ont l’âge compris entre 13 et 15 ans. « Ils n’ont pas encore atteint l’âge de voter ». Toutes ces manœuvres, remarque M. Ngendakumana, visent le gonflement des listes électorales. « N’attendez pas la fraude électorale le jour des élections, elle a déjà commencé », lâche-t-il.

En outre, le président de l’ADC accuse la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) d’entretenir des contacts avec le parti au pouvoir pour recruter des agents d’appui au niveau des Commissions Electorales Communales et Provinciales Indépendantes, les CECI et CEPI. Certains militants chômeurs du CNDD-FDD, auraient été invités à apprêter leurs dossiers de candidature.
Léonce Ngendakumana avertit : « Le processus électoral se veut inclusif. L’ADC Ikibiri prend pour témoin le peuple burundais et la communauté internationale. L’échec des prochaines élections incombent à la CENI. »

Si la CENI se veut technique et impartiale, concède M. Ngendakumana, elle doit veiller à la confection d’un fichier électoral intact. Et ce, pour le bon déroulement des élections.

Cibitoke : le parti présidentiel et l’administration pointés du doigt

Commune Rugombo, à Cibitoke ©Iwacu
Commune Rugombo, à Cibitoke ©Iwacu

Il y a deux semaines à la commune Rugombo. L.M., habitant de la localité, révèle qu’il a vu Floribert Twarabamenye, président du Centre Jeunes Rugombo et membre influent du CNDD-FDD sortir du bureau communal avec plusieurs cartes nationales d’identité. Selon L.M., dans la procédure normale, nul ne peut retirer la carte d’autrui : « Seul le chef de secteur est habilité à la retirer en lieu et place de son propriétaire. »
Notre source ne doute pas que ces cartes étaient destinées aux écoliers et élèves qui ont moins de 16 ans. Dans son voisinage, il dit connaître au moins une vingtaine de jeunes mineurs qui ont la pièce d’identité.
Pour cet habitant de Rugombo, le pouvoir veut truquer l’enrôlement des électeurs : « Le CNDD-FDD est au courant que s’il ne triche pas, il va perdre les élections. »

Pascal Nyabenda, président du parti CNDD-FDD : « Le parti ne s’ingère pas dans le travail de l’administration » | Il balaie d’un revers de la main toutes les accusations. « Le souhait du parti présidentiel, c’est de participer aux élections apaisées, libres, transparentes et démocratiques», déclare M. Nyabenda. Il se demande comment l’administration communale peut signer les yeux fermés sur la carte d’identité sans que son propriétaire soit présent. Dans ce cas, Pascal Nyabenda estime que la responsabilité appartient à l’autorité communale et non au parti CNDD-FDD.

B.N., cultivateur, indique que pour avoir sa pièce d’identité, il a fallu que le chef de son secteur lui donne une attestation de reconnaissance : « J’ai dû le négocier parce que je ne suis pas de son parti, le CNDD-FDD. » Pourtant, jeudi, 31 juillet, à la commune Rugombo. B.N. témoigne qu’il a assisté de ses propres yeux à une jeune fille, militante du parti présidentiel, collaborer avec l’administration. Se réservant de citer son nom, B.N. avoue que cette militante s’est procurée des pièces communément appelées ‘Karangamuntu’ dans le bureau du chargé de l’Etat-civil adjoint : « J’ai tout suivi, elle n’avait pas sur elle l’attestation de reconnaissance. Toutefois, elle est sortie avec une pile de cartes qu’elle a fait signer par l’administrateur communal. »

Selon ce citoyen, le jeu est connu. Avec le système des procurations, observe B.N., un électeur peut se présenter dans plusieurs urnes le jour des scrutins et voter plusieurs fois : « C’est une pure fraude électorale. La CENI ne devrait pas autoriser les procurations.»

Des accusations non fondées ?

« C’est un mensonge », rétorque Floribert Twarabamenye. Toutefois, il reconnaît qu’il s’est rendu à la commune Rugombo pour récupérer des pièces d’identité appartenant à ses anciens camarades de classe. Dix élèves du Lycée communal Rugombo, relate M. Twarabamenye, avaient déposé leurs dossiers de demande de la carte depuis longtemps. Cependant, chaque fois qu’ils allaient les récupérer, l’administration leur indiquait qu’elles n’étaient pas encore prêtes. Or, Floribert Twarabamenye fait savoir que ces élèves devraient partir en vacances : « Comme je travaille en étroite collaboration avec l’administration communale, j’ai juste rendu service en accélérant leur demande. »

Léonce Ngendakumana : « N’attendez pas la fraude électorale le jour des élections, elle est déjà en cours » ©Iwacu
Léonce Ngendakumana :
« N’attendez pas la fraude
électorale le jour des élections, elle est déjà en cours » ©Iwacu

Pour M. Twarabamenye, ce geste posé n’a rien à voir avec la fraude électorale. Et d’ailleurs, il explique que ce n’est pas lui qui les a récupérées. Leurs propriétaires sont passés tour à tour devant l’administrateur communal pour apposer leur empreinte digitale : « Qui est venu demander la carte d’identité et ne l’a pas obtenue ?  », se demande Ulimwenge Niyonzima, officier d’Etat civil adjoint à Cibitoke. Selon M. Niyonzima, il n’y a pas de distinction dans la délivrance de la pièce d’identité. Il suffit d’avoir les documents exigés : attestation délivrée par le chef de secteur, photo passeport et 500 Fbu.
Seulement, il reconnaît que ces derniers jours, les démarches traînaient parce qu’il y a trop de demandeurs. Avant que l’administration ne décide le prix de 500 Fbu, explique l’officier, la carte coûtait 2500 Fbu. L’administration a dû réduire de 2000 Fbu parce que la population ne pouvait pas s’en procurer : « La contribution à la construction de l’école fondamentale a été annulée. » Ulimwenge Niyonzima assure que cette mesure a été prise pour permettre à tout citoyen d’avoir ce document d’une importance capitale surtout pour les prochaines élections.

L’attestation de reconnaissance que l’administration exige, renchérit-il, c’est pour éviter que des ressortissants congolais et rwandais se passent pour des Burundais. Nos accusateurs, dit-il, sont guidés de mauvaise foi.

« Bientôt un téléphone vert pour dénoncer cette fraude »

Le secrétaire exécutif de la Cosome, Sylvère Ntakarutimana, constate que la constitution du fichier électoral sera biaisée dès le départ s’il n’y a pas de mécanisme de contrôle. Il appelle les partis politiques à mobiliser leurs militants pour suivre de près cette opération : « Sur les collines, les gens se connaissent. » Dans l’attente, la Cosome envisage mettre à la disposition du public une ligne verte permettant d’alerter.
Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons que le phénomène prend de l’ampleur. A Mabayi (Cibitoke), certains habitants dénoncent également que la carte nationale d’identité devient de plus en plus inaccessible aux militants des partis autres que le CNDD-FDD. A Ruhororo (Ngozi), le représentant du parti CNDD-FDD assume tout en indiquant que même le parti MSD est en train de le faire. Cependant, celui-ci le réfute.

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. uwamungu

    nkuko vyavuzwe abo bakoma induru nubutegetsi bakeneye gusa kuko bose bararongoye igihugu. jewe nibazako ntanyungu bahigira umurundi muto.
    ikintu cozokurayo uburundi nuko twebwe la jeunesse tworaba ukuntu tugira un parti des jeunes non basé sur l’ethnie ni la région nibindi biducanicamwo kandi ntidushira imbere inyungu zacu ariki zihihugu.
    kandi vyose birashoboka tureke kuguma dukwirikira ivyiyunviro vyabo batama bafise amaboko mabi

  2. kabura

    @Léonce Ngendakumana
    Vos propos m’inspire du dégout, quand je regarde ce que vous avez fait lorsque vous étiez au pouvoir. Avouez que vous(vous et tous ceux de l’AD-Ikibiri) cherchez le pouvoir à tout prix et arrêter de nous faire croire que vous chercher à améliorer le quotidien du burundais. Pourriez-vous oser défendre le bilan de votre passage au pouvoir lors de votre future campagne électorale? J’aimerais bien vous entendre à ce sujet(votre bilan)

  3. duciryaninukuri

    Moi je crois que:
    1° ces affirmations sont soit affirmées par les/ ou destinées aux naïfs.
    2° Si c’est vrai l’opposition n’est pas intelligente(excusez-moi car ils le sont) .
    3° Pourquoi 1° et 2°:
    -Juste puisque les listes des électeurs (émargement) sont affichées à la communes sont disponibles au CECI, CEPI et etc pour être vérifiées. Celui qui croirait truquer les élection par un moyen pareil n’aurait fait que YAGA-MUKAMA car tout le monde connait tout le monde et personne ne vote sans être sur la liste attestée de la CENI.
    (d’où 1°)
    – Puis je crois que la vrai déstabilisation du CNDD-FDD et de la CENI ne pourrait donc être qu’une dénonciation preuve à l’appui de ces cas au moment où la CENI aurait avalisé ces listes fausses et truquées. en effet, les CECI à la base doivent être de toute tendance politique et ethnique en plus de devoir écouter la population de toutes les tendances pour des élections crédibles et apaisées. Ainsi et le parti au pouvoir et la CENI n’auraient rien à dire (d’où 2°)

    E je peut donc me permettre, puisque je suis sur que l’ADC est intelligente, d’affirmer que ces accusations risquent de n’être que la lutte politique mal placée contre le pouvoir en place au lieu de penser aux vrais tactiques pour avoir plus de présence représentatives des 2015, si c’est possible bien sur.
    J’y voie une affirmation de la peur des élections par l’ADC ou bien le moyen choisi pour affaiblir la machine-turbo CNDD-FDD bien que certains administrateurs peuvent malheureusement y croire par naïveté.

    A tous ceux qui sont concernés de ne pas perdre du temps pensant comment gagner les élections ou comment être plus présent politiquement par ces moyens sans issus que sont la fraude active ou la fraude par le mensonge;
    Si ce n’est pas vraies ses accusations , l’ADC serait réellement en train de frauder dès aujourd’hui par le mensonge et devrait être accusé et si elles sont vraies que les responsables soient dénoncés et puni comme veut le faire la cosome.
    Je veille moi aussi et je vous mettrais au courant, mais je le ferais sans penchant ou idées préconçues.

    • kabura

      @duciryaninukuri
      Vos arguments me semblent pertinents parce que bien que n’appartenant à aucun parti politique, ces accusations me semblaient un peu trop grotesques. Je n’imagine pas une seconde quelqu’un de normal entrer dans les bureaux de l’administration communale et en sortir en sortir en exhibant un paquet de fausses(vraies) cartes d’identité, à moins qu’il soit idiot. Surtout que ça serait dans son intérêt, si son intention est de vraiment frauder, de les dissimuler, ce qui est tout sauf compliqué. Donc comme cous le dites si bien, il faudrait être naïf pour croire à ces accusations.
      En plus, Léonce devrait se taire, parce que lorsqu’il était au pouvoir, l’administration publique était encore plus politisée que maintenant.

  4. kimeneke

    jamwibarabara dutangure révolution

  5. Video

    – « IWACU A MENé DES ENQUETES »: NAGIRA NGO MUHAVA MUTUBWIRA ABO MWAFATANYE KARANGAMUNTU ZINE ZITANU MUKATWEREKA N’AMAFOTO Y’ABO BAMENJA.
    – Des personnes avec quatre ou cinq cartes d’identité ! MUGIHE AMAJAMBO ARI AYAVUYE MU KANWA K’UWUNDI MUNTU, N’UKUYASHIRA ENTRE GUILLEMETS KUKO UCA UMENGO UMENGO NI IVYEMEZWA NA IWACU…UN PEU DE PROFESSIONALISME QUAND MEME!!!!!

  6. Nzobandora

    Certains se sont hâtivement transformés en de bons samaritains pour acheter et distribuer des CNI (même aux mineurs) tandis que d’autres n’ont pas accès à cette carte par n’étant du CNDD FDD.
    La machine de la triche est en marche tandis que la CENI joue les sourds-muets.
    A l’opposition de réagir intelligemment et arrêter de pleurer chaque jour sur les medias sinon baratsindwa basi.
    Mais ce qui est quand même intéressant est de voir que le parti au pouvoir pendant 10 ans, aussi puissant soit-il et avec la force et terreur des imbonerakure, administratifs et force de l’ordre soit contraint de passer par des voies obscures pour remporter les élections montrent que bazi neza yuko atari bikorwa vyabo abarundi bashima.

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