Le gouvernement burundais demande le remplacement de l’émissaire des Nations unies au Burundi, Jamal Benomar. Une décision qui surprend l’opinion.
«Le gouvernement burundais ne souhaite plus continuer à traiter avec son médiateur Jamal Benomar». Tel est le contenu d’une lettre signée par le président Pierre Nkurunziza.
Une lettre jusqu’à la semaine dernière ignorée par le ministère des Relations extérieures. « Nous ne l’avons pas écrite ici au ministère et je n’en ai pas entendu parler»,a indiqué l’ambassadeur Bernard Ntahiraja qui assure l’intérim au ministère.
Contacté, le porte-parole du gouvernement, Philippe Nzobonariba a affirméignorer cette lettre. «Je me suis moi-même informé et je ne sais pas vraiment si cette lettre existe», déclare-t-il.
A la présidence, le ton est moins catégorique. Le Conseiller principal en communication, Willy Nyamitwe nuance. « Je préfère me garder de tout commentaire pour l’instant».
Selon toute évidence, Bujumbura veut surfer sur la vague du départ de Ban Ki Moon pour négocier avec quelqu’un d’autre choisi par le nouveau patron des Nations unies, Antonio Guterres.
Il est clair que les propos de l’envoyé spécial du Conseil de sécurité en octobre dernier avaient suscités des remous. Agréablement surpris, le camp gouvernemental s’était empressé d’applaudir un «diplomate qui veut du bien au Burundi ». Tandis que la Société Civile et l’opposition en exil l’avaient accusé de n’avoir pas saisi ni la gravité de la crise ni le fond du conflit burundais.
Jamal Benomar parle de «la nécessité d’un nouveau pacte entre le gouvernement du Burundi et la Communauté internationale». La position de ce diplomate onusien est claire : «La solution à la crise doit être burundaise». Cela tranchait avec la fermeté et la rhétorique du recours au chapitre 7 de la Charte des Nations unies demandé par plusieurs détracteurs du pouvoir en place.
Le conseiller spécial du Secrétaire Général de l’ONU s’est par la suite fendu d’explications via les réseaux sociaux. «Je n’ai jamais exprimé de position à l’égard d’un rapatriement du dialogue», a souligné Jamal Benomar.
Le Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU, Jamal Bénomar avait été dépêché par le Conseil de Sécurité en octobre dernier. Un de ses agendas était d’assainir le climat afin de créer des conditions propices à l’application de la Résolution de l’ONU autorisant le déploiement de 228 policiers au Burundi.
Décryptage
«Dans l’hypothèse de l’existence de cette lettre, il est difficile de comprendre pourquoi l’on chasse un ami qui de toute évidence tentait d’assouplir le climat tendu entre Burundi et les Nations unies », estime un spécialiste en relations internationales.
Le gouvernement mise sur le remplacement de l’émissaire du Conseil de Sécurité Jamal Bénomar, qui pourrait lui être nuisible. La perspective du remplacement d’un autre émissaire, selon toujours le spécialiste, risque de remettre les compteurs à zéro ou même faire marche arrière, c’est-à-dire revenir à la situation d’antan où il existait une grande mésentente entre les Nations unies et le Burundi.
Pour cet analyste, Bujumbura voudrait clore le chapitre avec Benomar par crainte d’un double jeu du diplomate britanno-marocain. Jamal Benomar tiendrait deux langages différents. En public et sur les réseaux sociaux, il serait plutôt favorable au pouvoir en place. Mais son rapport rendu au Conseil de Sécurité est de nature à hérisser Bujumbura. « Si l’émissaire de l’ONU n’est pas sincère, c’est une raison suffisante pour réclamer son départ puisqu’il aurait perdu la confiance de Bujumbura. »