Vendredi 22 novembre 2024

Culture

Gitega, le Trenchtown burundais

16/04/2015 4

Lion Story, Prophet’s Voice, BBR, la crème de la crème des reggae bands burundais. Le lien qui les unit : tous proviennent de Gitega. La ville a fini par s’imposer comme l’épicentre de toutes les sonorités rasta.

Monument « Plus jamais ça » de Gitega, conçu par le rasta Arsène ©Iwacu
Monument « Plus jamais ça » de Gitega, conçu par le rasta Arsène ©Iwacu

Un tour dans la ville de Gitega. On ne fera pas plus de 300 mètres sans croiser une tête couverte de dreadlocks. Moins de 200 mètres avant que le regard ne soit accroché par les couleurs emblématiques du rastafarisme, soit sur la devanture d’une échoppe ou d’un atelier d’artisan, soit sur un couvre-chef ou un veston : le vert, le rouge, le noir et le jaune règnent en maîtres.

Le reggae est dans tous les cœurs, toutes les discussions. La musique du rasta a fini par s’imposer comme musique emblématique de la ville. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. « Avant la crise de 93 et pendant, le rasta était marginalisé. Il lui était collé dessus souvent une image péjorative », se remémore Yves, un des membres du groupe de reggae Shigayoni, un tantinet mal à l’aise. Sans les dreadlocks qu’il a perdus à la suite d’un accident, il se sent nu.

« Dans cette période trouble de l’histoire du Burundi, la société est en crise. On avait besoin d’un message engagé», commente Hugues Nkengurutse, journaliste et proche du mouvement rastafari burundais. Et le rasta est le seul qui arrive à s’exprimer sans peur.

Mais auparavant, les rastas avaient décidé de se défaire de cette image de vauriens qui leur colle dessus et de « révéler leur propre nature ». Des initiatives voient le jour. Une équipe de football, Amarago, qui rafle des victoires. Des projets de développement porteurs d’espoir. Exemple typique : l’association Green Life qui jusqu’à maintenant possède un centre d’encadrement pour jeunes en difficultés et une exploitation agricole de deux hectares.

Reggae, l’expression d’une jeunesse opprimée

La période 1997-1998 voit la naissance de groupes de reggae qui vont faire la différence et asseoir plus tard la domination de Gitega dans la sphère du reggae burundais. D’abord BBR, Lion Story (qui auparavant évoluait sous l’appellation Inyomvyi), Shigayoni et bien d’autres.

Le reggae est pour ces jeunes délaissés, traumatisés par la guerre et en quête d’une plateforme d’expression, le canal approprié pour dénoncer, prévenir, ou promouvoir les valeurs suprêmes du rasta : l’amour et la paix. Ce qui explique qu’Alimasi, leader et un des fondateurs du groupe BBR, délaissera le rap, moins engagé, pour le reggae.

Ces jeunes groupes commencent à se produire devant un cercle restreint d’admirateurs. Puis ils investissent les scènes locales. La musique reggae, portée par un message engagé, conquiert rapidement le public. « Les Burundais aimaient le reggae depuis un bon bout de temps, mais sans toutefois comprendre le message. Chanter en langue nationale fut une valeur ajoutée pour cette jeune génération de reggae men», explique Hugues.

Trenchtown est un quartier de Kingston en Jamaïque. Il est surtout célèbre pour avoir été le berceau de la musique reggae et de nombreux artistes de ce style, dont Bob Marley.

Steven de Prophet’s Voice révèle l’orientation qu’ils donnent à leur musique : « On joue le reggae comme une thérapie individuelle, mais aussi pour le changement des mentalités.»

On ne peut vivre à Gitega sans être contaminé. Athanase est policier. On le rencontre dans un studio d’enregistrement de fortune dans un des quartiers populaires de la ville. Il a troqué son uniforme de représentant des forces de l’ordre contre celui de chanteur de reggae. Concentré, il essaie de moduler sa voix sur la complainte qui jaillit de la guitare d’Alimasi.

« Avant d’être affecté ici, je faisais de la musique traditionnelle. Puis au fur et à mesure que j’évoluais dans cette ville, j’ai fini par être imprégné de son atmosphère, et tout ce qu’on respire c’est du reggae», confie-t-il.
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Des racines qui remontent loin dans l’histoire

Lion Story, l’icône du reggae de Gitega, sur scène ©Iwacu
Lion Story, l’icône du reggae de Gitega, sur scène ©Iwacu

Plusieurs raisons expliquent pourquoi le reggae s’est implanté à Gitega plus qu’ailleurs. Gitega, c’est la ville culturelle par excellence. «Et le rasta et la culture sont intrinsèquement liés, car il s’est donné l’objectif de sauvegarder et perpétuer les valeurs traditionnelles », révèle Dimalia, un autre proche du mouvement rasta de Gitega. Dans la ville, les artisans s’y comptent par centaine. La seule école d’arts du Burundi s’y trouve aussi.

Gishora, une colline de la province Gitega, est le sanctuaire des tambours. « Le tambour et le reggae sont tous les deux des rythmes du cœur. Il était logique qu’une personne élevée au rythme du tambour se sente attirée et à l’aise avec le reggae », avance Désiré, reggae man natif de Gitega.

Gitega est aussi un lieu chargé d’histoire. Johnny, de l’association Green Life, remonte dans le passé pour démontrer le lien que peut entretenir le reggae et l’histoire de Gitega. « Le reggae est une musique de résistance et de don de soi. Et Gitega est une ville qui symbolise le mieux ces deux valeurs. » Une anecdote : « Traqué par les légions impitoyables allemandes, le roi Mwezi fut caché dans un grenier par les habitants de la ville, et ce au péril de leur vie. Pas un seul ne dénonça le roi. »

Le passage au Burundi en 1973 d’Hailé Sélassié, empereur d’Ethiopie et messie du rastafarisme ne reste pas anodin. Et qu’il ait choisi Gitega comme résidence a sa propre signification pour les rastas. Cela fait de la ville un endroit saint, une sorte de Mecque locale, qu’il faut visiter fréquemment pour se ressourcer ou au mieux habiter.

Lion Story, le modèle de la réussite

On ne peut parler de Gitega sans parler des Lion Story. Le groupe, après des années à se produire localement, est révélé au public national en 2005. D’année en année, il enchaîne les succès, jusqu’à étendre sa notoriété à la sous-région.
Ce modèle de réussite influence les jeunes qui veulent améliorer leur quotidien. En tout, une vingtaine de groupes sont recensés dans Gitega. « On attend notre tour. Si Lion Story a eu la chance de se faire produire, rien ne dit que demain ce ne sera pas nous. L’essentiel est qu’on véhicule le même message », positive Yves du groupe Shigayoni.

Steven de Prophet’s Voice, des projets plein la tête, voit un avenir radieux : « Nous voulons doter Gitega d’un nom spécial. Nous voulons en faire, non pas le Trenchtown du Burundi, mais le Trenchtown de toute l’Afrique. La ville touristique du reggae par excellence.»

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Moteur C

    «Le passage au Burundi en 1973 d’Hailé Sélassié, empereur d’Ethiopie et messie du rastafarisme ne reste pas anodin. Et qu’il ait choisi Gitega comme résidence a sa propre signification pour les rastas. Cela fait de la ville un endroit saint…»

    Voilà ce que vous avez omis de dire, le rastafarisme est une secte dérivée du christianisme ! La consommation du Chanvre ou cannabis fait partie des commandements, une plante naturelle et sacrée, utilisée pour rendre un culte au roi Sélasié, créée par Dieu pour les hommes. Ils disent que c’est l’Arbre de vie mentionnée dans Genèse, hahaha, mais également disent que c’est l’herbe qui est décrite dans App 22.2: «…l’herbe est la guérison des nations.» Discutable ? ou hérésie ? C’est du délire au vrai sens du mot ! Je rappelle que la consommation du chanvre est punie par la loi au Burundi, et dans tous les pays africains.

    • alimas zalingo

      tu penses que t’a le droit d’accuser quelqu’un ce qu’il n’a pas dit?est ce que tous les rastas consomment du chamvre?????et toi tu qui t’a dit que la consommation du canabis fait partie des commandement?qui t’a dit qu’on consome du chamvre pour rendre un culte au roi selasie???

  2. RICAMUZIKO

    NONE IVYO VYUKO HAFI MWESE MUCA MUNYWA URUMOGI VYO BISIGURA IKI?

    • Mthukuzi

      Mbe kubera iki umengo umuntu anywa urumogi ni umuhimbiri kurusha uwunywa inzoga? Wari uzi ko inzoga zifise ingaruka mbi kurusha urumogi naturelle ata kintu na kimwe kivanzemwo? Yaba ku butunzi bw’imiryango n’igihugu, ku magara no mu mibereho y’imiryango, inzoga ziragitikije.
      Tout est question de culture cher(e) compatriote…

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