Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Tout droit vers l’amendement de la Constitution

18/12/2017 20

Le chef de l’Etat a lancé solennellement, le 12 décembre à Bugendana, la campagne pour le référendum de la Constitution de la République. Un événement qui a suscité des polémiques.

Le président sur l’estrade : « Nous mettons en garde ceux qui seront tentés de faire obstacle ou faire échouer cette activité, en actes ou en paroles, qu’ils sachent que c’est une ligne rouge à ne pas dépasser ! »

A la place longtemps destinée à la construction de l’aéroport international, la population était au rendez- vous depuis le matin du 12 décembre 2017. Pas de signes distinctifs des partis politiques comme c’était habituel au cours des cérémonies.

Tout l’exécutif réuni, parlementaires, la plupart des partis politiques et société civile, diplomates et simples citoyens, tous attendaient, certains avec impatience l’allocution du président.

Dans son discours, Pierre Nkurunziza est revenu sur les raisons qui, selon lui, justifient la révision de la Constitution actuelle. « Les partis politiques, la société civile ainsi que la population, à travers le dialogue inter burundais, tous avaient souhaité que la constitution soit révisée.»

Il a aussi expliqué les raisons qui ont motivé ce projet de révision de la constitution par voie référendaire.
« Certains articles de la Constitution actuelle ne sont plus compatibles avec le temps que nous vivons que ce soit au niveau national ou régional. C’est dans cette optique que nous avons pris acte des demandes de la population burundaise pour la réviser.»

Pierre Nkurunziza a souligné que seuls quelques articles ambigus vont être retouchés.
« Les articles en rapport avec la démocratie, la protections des minorités, la paix et la sécurité, les libertés politiques des opposants, la souveraineté nationale ne sont pas concernés par cette révision. » C’est ainsi qu’il a invité tous les citoyens sans exception à participer à cette activité citoyenne. Mais avec une mise en garde :
« Nous profitons de cette occasion pour mettre en garde ceux qui seront tentés de faire obstacle ou faire échouer cette activité en actes ou en paroles. Qu’ils sachent que c’est une ligne rouge à ne pas dépasser. J’appelle les autorités de la base jusqu’ au sommet d’être vigilantes et être prêtes à traduire devant la justice ces personnes. »


>>Les réactions

Gaston Sindimwo : «Franchir le Rubicon »

Le premier vice-président de la République appelle tout le monde à aller voter cette nouvelle Constitution. « Et de voter oui. Néanmoins ceux qui voteront non c’est leur choix, nous sommes en démocratie.» Pour ceux qui disent que ce n’est pas le moment, Gaston Sindimwo assure qu’à un certain moment il faut franchir le Rubicon, arrêter de retarder ce qui doit être fait et aller à l’essentiel. Toutes les couches sociales ont été associées dans le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution qui est l’émanation de la volonté du peuple.

Agathon Rwasa : «Un forcing »

Selon le premier vice-président de l’Assemblée nationale, cette campagne référendaire est plutôt un forcing avec une Constitution taillée sur mesure pour une seule personne. Agathon Rwasa déplore que cette nouvelle loi demeure jusqu’ici inconnue du public et fait savoir qu’il ne battra pas campagne pour ou contre. Il appelle néanmoins les Burundais à plus de discernement et juger sur l’opportunité ainsi que la valeur ajoutée dans ce referendum.

Pacifique Nininahazwe : «Cela aggrave la crise »

Selon cet activiste des droits de l’Homme, l’annonce de la campagne référendaire est une douche froide pour le processus de dialogue. Pour Pacifique Nininahazwe, le président Nkurunziza force ses solutions et aggrave la crise. Sa Constitution a été rejetée en 2014, il veut la faire passer sans discussion et sans possibilité de modification. « Son projet menace gravement l’équilibre né de l’Accord d’Arusha de 2000. »

Hamza Venant Burikukiye : «Souveraineté de la Nation»

Le porte-parole de la plateforme intégrale de la société civile Pisc-Burundi indique que l’amendement de la Constitution relève de la souveraineté de la nation. Hamza Venant Burikukiye assure que cette révision est l’émanation de la volonté du peuple et personne n’a le droit ni le pouvoir de contrarier un peuple souverain.


Analyse : Une révision vaille que vaille

Bujumbura continue sur sa lancée, contre vents et marées. Les élections de 2020 arrivent à grands pas et il faut tout organiser pour ce grand rendez-vous.

Cette semaine a été bien chargée avec une ordonnance qui fixe le montant des cotisations de chaque citoyen pour les prochains scrutins. Ainsi que le fameux lancement de la campagne référendaire.

Le président Nkurunziza indique dans son discours que seules les dispositions contraires à l’évolution politique du Burundi seront soumises au référendum. « Celles qui renforcent la démocratie, l’Unité et la cohésion sociale, qui protègent les minorités et l’opposition seront sauvegardées. »

Mais plusieurs analystes voient tout simplement un ticket gagnant que s’offre le président. Avec cette nouvelle donne, les compteurs sont remis à zéro. Et le président pourra rester aux commandes pendant 14 bonnes années à venir, au grand dam des leaders des partis politiques de l’opposition qui ne savent plus où donner de la tête.

Ils avaient protesté contre la « troisième » candidature du président en 2015, qu’ils ont jugée illégale et illégitime. On se souvient des manifestations dans les rues de Bujumbura pour protester « contre un mandat de trop».

Aujourd’hui, c’est une opposition groggy qui assiste impuissante à ce qu’elle appelle forcing électoral. Pour le pouvoir en place, imperturbable c’est « au nom de la souveraineté nationale et de la volonté du peuple».

Il indique que la communauté internationale en général et l’EAC en particulier n’ont qu’à bien se tenir éloigné de cette question purement nationale.

Sauf que cette même Communauté internationale s’est impliquée pour trouver solution à la crise burundaise. La médiation/facilitation mandatée par l’EAC essaie depuis deux ans de permettre aux Burundais d’en finir avec la crise.
Mais avec cette révision de la Constitution, il est fort aisé de constater que la marge de manœuvres de la facilitation se réduit. La population quant à elle continue à vivre la crise économique de plein fouet. Les bailleurs de fonds ont fermé le robinet et les investisseurs ont peur.

La politique actuelle est à l’austérité. Le Chômage galopant, la hausse des prix avec plus d’impôts et maintenant de cotisations. Les Burundais ne savent plus à quel saint se vouer.

Forum des lecteurs d'Iwacu

20 réactions
  1. Salvator Salim

    Je souhaiterais tout simplement demander une chose au successeur de Nkurunziza : remodifier la constitution pour retrouver celle qui soit respectueuse des accords d’Arusha . Pour le reste je sais que Nkurunziza va tout manipuler pour modifier la constitution exactement de la même manière qu’il a fait pression sur la cour constitutionnelle en 2015. Tout est connu d’avance.

    • Stan Siyomana

      @Salvator Salim: « celle qui soit respectueuse des Accords d’Arusha… »
      1. « En franchissant le Rubicon, Cesar avait pris une decision irreversible qui risquait de declencher une guerre civile MAIS IL L’ASSUMAIT PARFAITEMENT… »
      (Voir Franchir le Rubicon, http://www.expressio.fr).
      2. Au Burundi c’est a partir d’un recensement fait IL Y A PLUS DE 100 ANS PAR LA COLONISATION ALLEMANDE qu’on persiste a affirmer qu’il y a 85% de Hutus, 14% de Tutsi et 1% de Twa.
      AUJOURD’HUI, CES POURCENTAGES (D’IL Y A PLUS DE 100 ANS!!!)SONT TOUT SIMPLEMENT FANTAISISTES.
      3. LE TRIBALISME EST UNE FORME INFERIEURE DANS LE/PAR RAPPORT AU DEVELOPPEMENT D’UNE SOCIETE MODERNE RESPECTANT LES DROITS DE CHAQUE CITOYEN ET BASEE SUR LA MERITOCRATIE.
      4. Donc apres avoir franchi le Rubicon, ce serait une erreur de revenir sur ces Accords d’Arusha QUI OCTROIENT 40% DES POSTES AUX TUTSI (QUI NE REPRESENTERAIENT QUE 15% DE LA POPULATION).

  2. Jean Habonimana

    Qu’il règne jusqu’à 100 ans et au-delà! mais nous ne devons jamais oublier la jeunesse détruite qui ne demandait qu’à vivre leur vie et qui a été massacrée, mutilée, torturée, castrée, violée (les mamans devant leurs enfants et les filles devant leurs pères), embastillée et exilée pour leur opinion d’abord et leur ethnie ensuite. Nous devons faire de nos plumes et de nos voix un monument à leur mémoire le restant de nos vies.

  3. Rugamba

    « Pour ceux qui disent que ce n’est pas le moment, Gaston Sindimwo assure qu’à un certain moment il faut franchir le Rubicon ». Parfait monsieur le VP. Pour une fois je suis d’accord avec vous. Nous allons franchir le rubicon comme César et Nkurunziza connaitra le sort de Pompée.

  4. Rwamanyinya Gervais

    Erega yemwe Sindimwo azodukoza ishano. Ejo bundi yavuze ngo abantu barimastu…., ubu naho ngo franchir le Rubicon. Erega ntazi iyo iyo terme « franchir le Rubicon » iyo yavuye. Mbega ntawomfasha amusobanurire icatumye Empereur César abivuga? Abantu batagiye mw’ishule nabo bama bariko baragorana bavuga ibifaransa batazi. Ubwo ntibobireka?

    • Mbaza_nkubaze

      @Rwamanyinya Gervais
      « Abantu batagiye mw’ishule nabo bama bariko baragorana bavuga ibifaransa batazi. »

      Mumukengera nawe abacenga. Mumugaya nawe abakubita ipfupfu. Yabuze diplome y’abazungu yironkera diplome y’ubuzima. Arabumvisha maze!

  5. Kissinger!

    None hakorwe iki ko mbona aba DD bataye ibintu murudubi? ?

  6. Urbaniste 2

    L’hypocrisie dans son plus beau costume, il appelle à un référendum mais gare a ceux qui voteront contre ….. « .
    « Nous profitons de cette occasion pour mettre en garde ceux qui seront tentés de faire obstacle ou faire échouer cette activité en actes ou en paroles. Qu’ils sachent que c’est une ligne rouge à ne pas dépasser. J’appelle les autorités de la base jusqu’ au sommet d’être vigilantes et être prêtes à traduire devant la justice ces personnes. ».

  7. Karanga

    Je pense que Sieur Sindimwo a utilisé la bonne expression mais il ne sait pas ce qu’il a dit. Sait il ce que veut dire l’expression « franchir le rubicon » ? Certainement pas . Il comprendra plus tard que cette « démarche hasardeuse » de modification de la constitution révelera un certain « César  » pour nous défaire de « Pompée » .

  8. roger crettol

    Retrouvé cet article de fr.wikipedia.org. Je cite l’intro :

    [ François Duvalier, surnommé « Papa Doc », né à Port-au-Prince le 14 avril 1907 et mort dans la même ville le 21 avril 1971, est un médecin et homme politique haïtien devenu président de la République d’Haïti de 1957 à 1964, et président à vie de 1964 à sa mort. Son règne fut marqué par la corruption et l’utilisation de milices privées, les tontons macoutes. Autoritaire, il multiplie les actes d’arrestation et de condamnation à mort. Allié par intérêt aux États-Unis, Il utilise le culte de la personnalité pour être vu comme un dieu vivant par la population. Avant sa mort, il met en place une loi de succession pour que sa famille se maintienne au pouvoir. Son fils, Jean-Claude Duvalier, lui succède à son décès. ]

    Tout ne colle pas exactement, mais l’abus de pouvoir se retrouve dans cet exemple historique, tout comme le long et durable délabrement de la société haïtienne, délabrement qui menace aussi la société burundaise.

    Voter non aux amendements de la constitution serait raisonnable, mais en démagocratie, cela tient du miracle – ou de l’héroïsme.

  9. Jereve

    Le 3ème mandat a allumé le feu. Il n’est même pas éteint que commencent les tripatouillages constitutionnels et électoraux. Une étape qui s’inscrit dans la logique dangereuse de jeter de l’huile sur le feu. Il n’y a pas de pompier à l’horizon.

  10. NKINA

    « La politique actuelle est à l’austérité. Le Chômage galopant, la hausse des prix avec plus d’impôts et maintenant de cotisations. Les Burundais ne savent plus à quel saint se vouer. » Si, nous savons que notre chef C’est Pierre NKURUNZIZA. Il veille sur notre bonheur. Il sait que le peuple Murundi n’est pas comme celui du Burkina.

    • Stan Siyomana

      @Nkina: « Il veille sur notre Bonheur. »
      1. L’on voit bien que vous dites ca par sarcasme, mais jusqu’a present les masses populaires (du milieu rural surtout) pourraient croire en ca.
      2. MEME SI PIERRE NKURUNZIZA N’A PAS PU AMENER LE DEVELOPPEMENT SOCIO-ECONOMIQUE DURABLE ET INCLUSIF (que nous tous nous esperions?), le fait qu’aujourd’hui L’ON DECOUVRE DES FOSSES COMMUNES PRES DE PRESQUE CHAQUE BUREAU DE ZONE OU DE COMMUNE (= Fosses ou les victimes hutu de 1972 et 1993 ont ete jetees comme des chiens) va amener le citoyen lambda a se dire AU MOINS LUI, IL N’EST PAS EN TRAIN DE NOUS EXTERMINER (du moins si nous adherons a son parti CNDD-FDD).
      3. Tant que le parti CNDD-FDD et l’opposition ne font que se battre pour acceder au pouvoir (mais sans Vision/programme pour developper le BEAU PAYS DE MWEZI GISABO) Pierre Nkurunziza peut rester au pouvoir pour un autre bout de temps.

      • Balance Capri
      • Stan Siyomana

        Quand j’etais encore jeune et que je devais parcourir a pied les 6 km pour aller a l’ecole primaire (chaque jour) et les 30 km pour me rendre a l’internat de l’ecole secondaire, pour au moins 60% du trajet, je prenais les racourcis des petits sentiers et j’aurais ete tente de dire que CETTE ROUTE QUI REPRESENTAIT LE PROGRES NE ME SERVAIT A RIEN PUISQUE JE N’AVAIS MEME PAS UNE BICYCLETTE POUR ROULER LA-DESSUS.
        Aujourd’hui, le citoyen lambda de ma colline natale peut se dire qu’on construise ou pas ces barrages hydroelectriques, il y a peu de chances que la Regideso puisse aligner assez de poteaux de transmission electrique jusqu’a son humble demeure.

    • Stan Siyomana

      @Nkina: « Il sait que le peuple Murundi n’est pas comme celui du Burkina. »
      1. Je m’imagine qu’en effet le peuple Burkinabe aurait toutes les bonnes raisons de penser avec nostalgie a l’ere du Capitaine Thomas Isidore Noel Sankara qui essayait de construire le Burkina Faso (= Pays des Gens integres).
      2. Tandis qu’au Burundi, l’ere du parti unique UPRONA et des differentes dictatures militaires est responsable DES FOSSES COMMUNES (OU LES VICTIMES HUTU DES TUERIES DE 1972 ET 1993 ONT ETE JETEES COMME DES CHIENS) QU’ON DECOUVRENT AUJOURD’HUI PRES DE PRESQUE CHAQUE BUREAU DE ZONE OU DE COMMUNE.

  11. Joas

    Au lieu de perdre du temps et d’extorquer de l’argent au peuple pour un résultat connu d’avance, il serait « sage » d’aller droit au but, amender cette constitution et la publier. Plus tard, les autres la modifieront. C’est aussi simple que cela.

    • Congo

      @ joas, tout à fait d accord avec vous. Il faut arrêter ces cotisations qui spolient une population déjà pauvre pour de résultats connus d avance. La ligne rouge est une insulte à tout le peuple Burundi. Nkurunziza a le droit d appeler à voter oui pour la révision mais pourquoi est il interdit de votre non.

  12. Source du Nil

    Le mediateur Yoweri Kaguta Museveni va lui-même modifier Aujourdh’ui au parlement, la constitution pour supprimer l’article qui limite l’âge du candidat à la presidentielle de 2021.Quelle pression l »opposition burundaise s’attend -t-elle du mediateur, lui -même dans ce jeu?Pitié trop à cette oposition burundaise,trop naïve à mes yeux.Pleura bien qui pleura le dernier!

    • Banza

      @Source du Nil
      Félicitations car vous commencez à diminuer l’égocentrisme qui empêche de voir plus loin que son nez (sa frontière)! En effet la règle générale des Pays des Grands-Lacs (et même au delà en Afrique) est de pousser le plus loin possible la durée du pouvoir. Les citoyens espèrent en vain d’être l’exception confirmant la règle.
      Ceci dit, le fait de savoir que les autres soient logés à la même enseigne ne nous console pas.

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