C’est un témoignage inédit sur l’avant 29 avril 1972 : la toute première fois qu’Abdul Aziz Ntahiraja, un ancien policier à la retraite racontait ce qu’il avait vu, vécu, à des journalistes.
En 1972, il venait de passer 4 ans dans la police judiciaire des parquets. Il était officier, chef de Brigade à Bururi et dans l’arrondissement de Makamba. Il avait aussi une fonction « d’espion », car au moment où il entre dans la police, la sûreté nationale n’existait pas : « J’étais chargé en même temps des renseignements à Rumonge. »
Peu avant le 29 avril, il affirme avoir eu des informations par le biais de deux personnes (hutu) que des Hutu préparent une attaque à partir de Kigoma, aidés par les Mulelistes : « J’ai informé Jean Bikamba et Gaspard Kazohera alors respectivement procureur et gouverneur de Bururi. Nous avons tenu une réunion à laquelle participait aussi Samuel Nduwingoma, commandant du camp de Bururi. »
Le petit groupe a décidé d’exploiter cette information. Abdul Aziz Ntahiraja a été chargé de donner un enregistreur aux deux Hutu pour s’assurer de cette information.
La première information est venue le 15 décembre 1971, indique Abdul Aziz Ntahiraja : « Cet enregistrement prouvait que des préparatifs militaires vont bon train. Ce sont des Mai Mulele Congolais qui formaient ces Hutu. A travers cet enregistrement, nous avons appris qu’ils n’avaient pas encore fixé la date de l’attaque. » Il a, poursuit-t-il, proposé aux deux informateurs de lui remettre un rapport tous les quinze jours.
Le 15 janvier, 15 février et 15 mars 1972, ils lui ont remis des enregistrements sonores et indiqué que les rebelles avaient programmé l’attaque entre le 15 et 30 avril 1972. « Selon ces enregistrements sonores, les premières attaques devaient se dérouler dans l’arrondissement de Makamba puis au chef-lieu de la province Bururi, ensuite à Bujumbura », laisse entendre l’ancien policier.
Le 15 avril, ses informateurs lui ont indiqué qu’il fallait s’attendre à une attaque soit le 29 ou 30 avril.
Le 29 avril 1972, se souvient-il, il y avait une réunion au stade de Rumonge à l’endroit de la population et toutes les autorités administratives. Elle était animée par Albert Shibura, ministre de l’Intérieur et de la Justice : « Il est venu accompagné par André Yanda, 1er secrétaire général du parti Uprona et Pierre Ndikumana, directeur de la sûreté nationale, nouvellement créée. »
D’après toujours Abdul Aziz Ntahiraja, tous les fonctionnaires de Makamba, de Bururi et Rutana étaient conviés à cette réunion à Rumonge.